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LES LUMIÈRES DU RAMADAN (épisode 14) AL MAARI, LA VOIX DE LA RAISON

Une série de Abderrazzak Boussaid

De son nom complet, Abou Al Alaa Aḥmed Ibn Abdallah Ibn Sulaiman Al Maari (973-1057) أبو العلاء أحمد بن عبد الله بن سليمان المعري . C’est un immense poète de langue arabe, connu pour sa virtuosité et pour son originalité. Ses poèmes philosophiques sont construits sur la base d’une « tristesse existentielle » profonde, faisant du pessimisme une ligne de conduite et le départ de toute réflexion philosophique…

Al Maari est né dans une petite ville Syrienne située entre Alep et Hama. À l’âge de 4 ans, la petite vérole lui détruit le visage au point de le priver de l’œil gauche et en partie du droit. Plus tard, il glissera complètement dans l’obscurité…

Mais sa boulimie d’étude et sa mémoire prodigieuse compenseront largement cette déficience physique. Poète reconnu dès l’âge de 17 ans, le jeune Al Maari étouffe toutefois dans sa petite ville natale et décide de se rendre à Bagdad de « l’âge d’Or » : C’était alors l’époque florissante des Académies, sortes de « Salons Littéraires », où poètes, philosophes, hommes de lettres et scientifiques pouvaient discuter librement et échanger leurs expériences, sous la protection de quelques mécènes, princes, ou notables, dans des maisons aux riches bibliothèques, mis spécialement à leur disposition par ces derniers…

Mais irrité et déçu au bout d’un temps par les vanités, les intrigues et la cherté de la grande ville, il revient habiter dans sa ville natale. Dès lors il se retire de plus en plus du monde et vit le reste de sa longue vie dans la méditation, se consacrant à la Philosophie, à la Poésie et à leur enseignement, tout en entretenant une riche correspondance avec le monde culturel de l’époque…

De ce « corps prisonnier des ténèbres » et enfermé dans un dépouillement volontaire, allait jaillir plus d’un demi siècle durant, une quasi-inépuisable « Fontaine de Sagesse, de Tolérance, de Liberté et de Poésie »…

Son indiscutable croyance en Dieu était largement tempérée par un grand scepticisme qui lui faisait paraître cette obsession des hommes, de « FAIRE DU CRÉATEUR LEUR CRÉATURE », une approche humaine assez débile…

La pensée d’Al Maari devrait figurer aujourd’hui dans les programmes scolaires de tout le monde musulman où les jeunes gens devraient apprendre à coexister en paix et à grandir libres des dogmes, préjugés et autres matraquages de la pensée dominante…

Jugez vous-mêmes de ces quelques textes d’Al Maari qui témoignent de sa grande lucidité :

El Maari stigmatise L’INJUSTICE HUMAINE consistant à condamner les brigands de la pauvreté et à honorer ceux du monde des affaires et de la religion. Ainsi, il dit « Le Désert est peuplé de brigands qui enlèvent les chameaux lâchés en pâturage. Les mosquées et les villes sont, quant à eux, aussi peuplés de brigands, mais d’un autre genre. Tandis que ces derniers sont appelés notaires, commerçants ou imams, les premiers sont flétris sous le nom méprisant de voleurs » !…

Quant à l’ENSEIGNEMENT RELIGIEUX et aux « saints » livres, Al Maari leur dénie toute divinité, et les ramène à une sédimentation pluriséculaire de légendes, recettes et spéculations, ainsi que des interprétations, ici, divergentes, là, harmonisées, mais toujours arbitraires. Il dit : « Coran, Torah, Évangile, à chaque génération ses mensonges, que l’on s’empresse de croire et de consigner »

Ailleurs, mais toujours parfaitement logique avec lui-même et comme dans la foulée, Al Maari en appelle au « bon sens » de tous : « Réveillez-vous, réveillez-vous, Ô égarés…Vos religions sont des subterfuges des anciens… ».

Et, une fois de plus, l’incroyable modernité d’Al Maari, dont la longévité des paroles défie les millénaires, ricane face aux tant attendus « Sauveurs de l’Humanité » que les masses crédules appellent messie, imam, ou gourou suprême : « Les gens voudraient qu’un imam se lève, et prenne la parole devant une foule muette !…Illusion trompeuse !…IL N’EST D’IMAM QUE LA RAISON, la raison doit être notre guide de jour, comme de nuit »

Pour Al Maari, il n’y a point de salut qu’en nous-mêmes, par nos propres efforts. Et aucune des religions de sa connaissance n’étant parvenue à améliorer LA CONDITION HUMAINE sur terre, où seuls l’Intelligence et le Savoir, le permettent vraiment

Et à AL Maari d’ajouter : «Les habitants de la Terre se divisent en deux catégories : les uns, doués d’intelligence, mais sans religion et les autres trop religieux, mais dénués d’intelligence». Tout est dit !… À suivre.

Abderrazzak Boussaid/Le7tv

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