Art et Culture

Harvey Weinstein plaide non coupable, la bataille judiciaire commence

Harvey Weinstein a plaidé mardi non coupable des accusations de viol et d’agression sexuelle portées contre lui, ouvrant une bataille judiciaire emblématique pour le mouvement #MeToo qui rêve de le voir incarcéré, alors que son avocat rappelait son droit à la présomption d’innocence.

Le producteur de 66 ans, catalyseur du mouvement #MeToo et présenté depuis plusieurs mois comme l’un des plus dangereux prédateurs sexuels que l’Amérique moderne ait connu, n’a prononcé que quelques mots lors de l’audience, qui a duré 30 minutes à peine.

« Non coupable », a-t-il répondu d’une voix à peine audible au juge qui lui demandait comment il entendait plaider aux trois chefs d’accusation retenus contre lui, deux pour un viol présumé en 2013 et un pour une fellation forcée en 2004.

A plusieurs reprises, l’ex-producteur vénéré d’Hollywood, en veste sombre et cravate, qui boitillait légèrement, a ensuite simplement répondu « oui », lorsque le juge lui rappelait les conditions de son placement en liberté surveillée.

Weinstein a dû déposer le 25 mai un million de dollars de caution. Il doit aussi porter un bracelet électronique et limiter ses déplacements aux Etats de New York et du Connecticut.

Son avocat, le ténor du barreau new-yorkais Ben Brafman, a lui à nouveau dénoncé devant le juge l’ultra-médiatisation du dossier, rappelant que Weinstein devait bénéficier de la présomption d’innocence.

« Aussi répréhensible que ce crime puisse être, il est tout aussi répréhensible d’accuser faussement quelqu’un de viol », a déclaré Brafman devant une salle comble. « Nous allons nous battre dans ce tribunal », a-t-il ajouté.

– « Le plus honni des prédateurs sexuels » –

Deux femmes seulement sont mentionnées dans l’acte d’accusation, mais près d’une centaine ont affirmé depuis octobre avoir été harcelées ou abusées sexuellement par Weinstein sur plusieurs décennies. Faisant du producteur le catalyseur du mouvement #MeToo et « le plus honni des prédateurs sexuels », soulignait récemment Bennett Gershman, professeur de droit à Pace University et ancien procureur.

AFP / Don EMMERTHarvey Weinstein se présente le 25 mai 2018 à un commissariat du sud de Manhattan, à New York

L’identité de l’accusatrice de viol a été gardée anonyme jusqu’ici. Ben Brafman a affirmé, sans la nommer, qu’elle avait eu une liaison consentie durant 10 ans avec Weinstein, mais cette information n’a pas été confirmée.

L’accusation de fellation forcée émane, elle, de Lucia Evans, une consultante en marketing qui, en 2004, rêvait d’être actrice. Elle avait raconté en octobre son histoire au magazine New Yorker.

Son récit ressemble à de nombreux autres témoignages, venant de vedettes comme Ashley Judd ou Gwyneth Paltrow mais surtout de jeunes inconnues qui espéraient voir le vénéré producteur propulser leur carrière. Lucia Evans raconte comment il lui a fait miroiter une place dans son émission pour aspirants stylistes « Project Runway », avant de la contraindre à une fellation.

Condamné d’avance par l’opinion, Harvey Weinstein, père de cinq enfants, pourra-t-il éviter la prison?

« L’issue est difficile à prévoir », selon Suzanne Goldberg, professeure de droit à l’université de Columbia.

Le mouvement #MeToo a certes ébranlé le statu quo favorable aux hommes, comme l’a montré la récente condamnation, après deux procès, de l’ex-légende de la télévision Bill Cosby pour une agression sexuelle en 2004.

Mais le procureur devra quand même « prouver +au-delà d’un doute raisonnable+ que Weinstein a commis des actes illégaux, avec ces deux femmes en particulier », souligne-t-elle.

– Pas comme Strauss-Kahn –

Personne pourtant ne pense que les poursuites seront abandonnées, comme ce fut le cas pour Dominique Strauss-Kahn accusé d’avoir agressé une femme de chambre dans un hôtel new-yorkais en 2011. Même si c’est le même Ben Brafman qui défendit l’ex-directeur du FMI face au même procureur de Manhattan, Cyrus Vance.

L’abandon des poursuites avait été un soufflet pour M. Vance. Cette fois, il a pris toutes les précautions pour vérifier les preuves et la crédibilité des accusatrices, soulignent plusieurs avocats interrogés par l’AFP.

Comme pour Bill Cosby, la bataille principale devrait tourner autour des autres victimes potentielles de Harvey Weinstein que l’accusation pourra appeler à la barre.

AFP / Gal ROMAHarvey Weinstein

Quelques-unes pourraient suffire à convaincre les jurés que le producteur avait « systématiquement tendance » à abuser les femmes, estiment les spécialistes.

Le professeur Bennett Gershman se dit quasi-certain que Weinstein finira, dans les mois de préparation de son procès, par négocier un accord de plaider-coupable pour écoper d’une peine réduite.

Aussi bon que soit Ben Brafman, « même le meilleur avocat ne peut pas faire de magie », dit-il. « Aucun jury n’aura de la sympathie pour Weinstein ».

Weinstein fait également l’objet d’enquêtes criminelles à Los Angeles et Londres, mais New York est la seule juridiction où il ait été formellement inculpé à ce stade. Il a aussi été attaqué au civil par une dizaine de femmes.

La prochaine audience dans le dossier criminel new-yorkais a été fixée au 20 septembre.

Avec L’AFP

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page
Fermer
Fermer