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La légalisation du Cannabis au Maroc : Un marché lucratif aux retombées médico-sociales (par Khaoula Balaj)

par Khaoula BALAJ. Doctorante / Laboratoire des études juridiques et judiciaires ; Sciences Criminelles ; Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Mohammedia ; Université Hassan II

Devant l’échec des politiques répressives mises en place depuis les années 1920, différents pays ont complètement ou partiellement légalisés la consommation de cannabis. Le Maroc, tout comme la majorité des pays de la planète, n’échappe pas aux dangers et méfaits de l’abus des substances psychoactives ou de la dépendance qu’elles génèrent.

Dans une conjoncture de mutations affectant plusieurs domaines, y compris celui médical et thérapeutique, la Commission des Stupéfiants de l’ONU a reconnu, le 2 décembre 2020, la valeur thérapeutique du cannabis en le retirant de la liste des stupéfiants dangereux.

Sur le continent africain, quatre pays ont déjà légalisés l’usage du cannabis légal, en l’occurrence le Lesotho, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Rwanda. Une chose est claire, la course à l’industrialisation légale du cannabis est bien entamée.

A son tour, le Maroc, dont la culture d’hostilité traditionnelle à l’égard du cannabis persiste, décide d’en tester les bénéfices thérapeutiques .Une décision qui n’a cessée de susciter un débat d’idées se rapportant avec l’avenir du statut juridique de l’usage et de la culture du cannabis au Maroc, de son adaptation et de ses limites.

Le Maroc, premier producteur mondial de cannabis selon l’ONU, essaye de rétrécir l’étau autour du trafic prolifique du cannabis, en pariant un nouveau cadre juridique qui pourrait à la fois apaiser les tensions dans le Rif et générer des milliards de bénéfices pour l’Etat, un marché international du cannabis légal en plein essor.

Dès lors, dans le sillage de la nouvelle législation marocaine , qui n’en est pourtant qu’à ses prémices, ouvrant la voie à l’industrialisation légale du cannabis thérapeutique dans la région du Rif, Que dit le cadre législatif ? Pourrait-il changer la donne au niveau international ? Ainsi, dans ce marché fertile, quels seront les bénéfices tant attendus par les paysans, souvent maillon faible de ce commerce ?

I. Le cadre juridique de la légalisation thérapeutique du cannabis au Maroc

De nos jours, le cannabis est une drogue illicite très largement utilisée, mais c’est aussi la plus controversée. De ses usages on en connaît les effets récréatifs, mais on ne met pas suffisamment l’accent sur ses autres applications beaucoup plus bénéfiques, notamment son utilisation à des fins thérapeutiques, médicamenteuses ou industrielles.

Historiquement, le Maroc après une longue période de tolérance avec cette plante, a choisit la voie répressive de la prohibition qui couvre, à la fois, la culture, la production, l’exportation, le trafic , la détention, mais aussi la consommation.

Invraisemblablement, pour le Maroc, cette plante n’a jamais été envisagée en tant qu’une richesse nationale, par la mise en place des mécanismes de recherche et de développement, d’investissement et d’exploitation, liés à ses bénéfiques médicales.

De nos jours, la conjoncture économique et sociale est dans le besoin de l’innovation
dans la recherche de nouvelles économies , par le biais de la création de nouveaux marchés et de nouveaux métiers, de multiples facteurs qui vont accorder au Maroc une nouvelle piste pour se positionner dans le marché mondial de l’industrie légale de cette plante.

Il est important de noter que même si l’usage médical du cannabis est légalisé, il est généralement strictement réglementé. Des licences et des autorisations spécifiques sont souvent nécessaires pour cultiver, produire et distribuer des produits à base de cannabis à des fins médicales.

Que dit la loi ?
« Une tendance vers l’instauration d’un cadre légal pour la gestion de son usage, sans franchir le pas de la dépénalisation ». L’adoption finale, en juin 2021, du projet de loi n°13-21 sur les usages licites du cannabis.

Cette autorisation de l’usage médical du cannabis est une réforme qui est faite selon des conditions et des règles strictes. Cet assouplissement ne concernant cependant que les usages médicaux et industriels et non pas son usage récréatif qui est toujours prohibé des textes répressifs.

Parallèlement, un organisme de tutelle pour contrôler l’usage de cette plante est crée. Appelé « Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis » qui , selon l’article 3 de ladite Loi , est la seule mandatée, , à fournir les autorisations pour l’exercice des activités relatives au cannabis, fixées de manière exhaustive dans ce même article. Il s’agit à titre exclusif :

 de la culture, la production, la transformation, la fabrication, la commercialisation, le transport, l’exportation du cannabis et de ses produits ;
 de l’exportation et l’importation de ses semences et de ses plantes, l’importation de ses produits, ainsi que la création et l’exploitation de ses pépinières.

Néanmoins, quant à la délivrance des autorisations de culture et de production du cannabis, la nouvelle loi en reste conservatrice. Pour ce faire, elle exige la présentation d’un dossier justifiant que le demandeur de l’autorisation remplis plusieurs conditions, à savoir:

 être de nationalité marocaine ;
 avoir atteint l’âge de la majorité légale ;
 résider dans l’un des douars relevant de l’une des provinces autorisées;
 adhérer à l’une des coopératives spécialement créées à cet effet;
 être propriétaire de la parcelle de terrain nécessaire à cette fin, ou avoir l’accord de son propriétaire pour y
cultiver le cannabis, ou disposer d’un certificat délivré par l’autorité administrative locale attestant qu’il exploite ladite parcelle.

Ensuite, afin faciliter la mise en œuvre de l’application de la loi sur le terrain et de former un arsenal juridique complet pour l’usage licite du cannabis , deux décrets ont été publiés après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi pour mettre en œuvre certaines de ses dispositions .

 Le premier décret n° 2-21-642 du 22 du 31 août 2021 a été pris pour application des articles 32 et 35. Il est venu attribuer la tutelle sur l’agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis au ministère de l’intérieur et déterminer les membres composant cette agence.
 Le deuxième décret n° 2-22-159 publié ce 18 mars 2022 vise d’un côté à interdire l’autorisation de culture et d’exploitation du cannabis et de ses pépinières, sauf dans les provinces d’Al Hoceima, Chefchaouen et Taounate. Le même décret a créé une commission consultative chargée de l’examen des demandes d’autorisation, et traite de sa composition et des modalités de son fonctionnement.

C’est ainsi que le texte renvoi à des arrêtés conjoints des autorités gouvernementales chargées de l’intérieur, de la santé, de l’agriculture, de l’industrie et du commerce afin de déterminer la teneur des dossiers des demandes des autorisations prévues par la loi n° 13-21 , le taux de substance THC à ne pas dépasser dans les produits du cannabis, à l’exception des médicamenteux et pharmaceutiques et les modèles des registres à tenir par l’Agence nationale de règlementation des activités relatives au cannabis.

Conjointement, des modèles de contrats de ventes des récoltes du cannabis et du procèsverbal de destruction des excédents des récoltes du cannabis ont été mise en place par le texte réglementaire , des modalités de déclarations de dommage ou de pertes de récoltes du cannabis issues d’un cas de force majeure ainsi qu’ un modèle du sigle à mettre sur tout produit obtenu du cannabis

II. le potentiel économique du cannabis, plante multi-usages : un marché mondial en pleine expansion

Après cette légalisation, le Maroc pourrait gagner près de 944 millions de dollars dès la première année .Ainsi, 90.000 à 140.000 familles vivent de la culture et de la commercialisation du cannabis dans le Nord du Maroc. Cette activité emploierait environ 800.000 personnes
.
Outre la création d’emplois, le ministère de l’Intérieur estime que les revenus d’exportation générés par le marché licite du kif oscilleraient entre 4,2 et 6,33 milliards de dollars à l’horizon 2028.

Ainsi des programmes de formation ont été effectués afin de tirer profit des expériences mondiales réussies en matière d’usage médical du cannabis dans le système de soins et de les mettre à la disposition des patients à travers des prescriptions médicales délivrées par des médecins ou pharmaciens, en précisant les voies permettant le suivi des patients, à même de renforcer les capacités des professionnels de la santé.

Dorénavant, la modernisation en cours sera bénéfique du moment qu’elle change considérablement la donne économique de l’industrie du cannabis, vers un cadre formel et unifié, selon la tradition du marché, et dont les coûts et les bénéfices ont étaient largement modifiés à l’insu de la plupart des observateurs et des décideurs.

III. Introduction et développement des cultures alternatives dans le Rif : Une lueur d’espoir pour les cultivateurs lésées.

L’avenir du Rif et de sa paysannerie dépendent toujours indubitablement de celui de l’économie du cannabis et de l’évolution des législations antidrogue marocaine et  internationales.

Dès lors, la spécialisation des paysans dans la culture de cannabis, entre l’endiguement et l’acceptation au niveau national, fait du Rif central un espace de déviance

Jusqu’à présent, l’économie du cannabis a largement contribué à la fixation de la population dans la région. Ce marché juteux que l’État voudrait voir profiter aussi aux paysans, qui sont souvent le maillon faible du commerce illicite. Davantage, le Maroc entend “libérer les agriculteurs de l’emprise des trafiquants et des réseaux mafieux”.

Grâce au projet de légalisation de l’usage thérapeutique de cette plante interdite au Maroc , et après des décennies passées dans la semi-clandestinité, les cultivateurs vendront leurs récoltes de cannabis ‘’la tête
haute’’. Une telle loi pourrait avoir des retombées positives sur toute la société en termes de justice sociale, de santé publique, d’économie, de sécurité, d’éducation, d’environnement. Parallèlement, les échecs successifs des éradications forcées et celles des cultures

Une potentielle légalisation permettrait de réduire l’impact social du cannabis « en le rendant banal, donc beaucoup moins attractif, et en instaurerait aussi un contrôle de qualité qui éliminerait le danger apporté par des variétés aberrantes »

En plus, la culture du cannabis au Maroc est l’héritière d’un long et complexe héritage qui ne peut être ignoré. A coté de cet encadrement législatif, c’est aussi un sujet socio-économique qui nécessite un travail culturel, afin de récréer la confiance des différents composantes sociales cultivant cette plante, par le biais des coopératives qui peuvent trouver un terrain de collaboration avec l’agence, et notamment avec l’Etat dans le processus de vente aux industriel. Ce qui apportera davantage de stabilité et d’assurance en faveur d’une grande catégorie de population qui passera de l’illégalité à la légalité et des nouveaux droits vont être mis en place.

Finalement , et à travers l’éventail juridique encadrant cette légalisation , on peut constater que le Maroc a fait le choix de la légalisation de certains usages du cannabis liés à ses applications thérapeutiques, médicales ou industrielles , tout en gardant non seulement la prohibition de son

Pour l’intérêt général du Maroc et de son positionnement au niveau du continent Africain qu’au niveau mondial, une collaboration effective, entre les différentes composantes étatiques et un engagement de la part des responsables au sein du gouvernement ,loin de toute polémique politicienne stérile, s’est avéré indispensable pour mené à bien l’intégration de ce cadre juridique innovent.

La rédaction /Le7tv (publication scientifique de Khaoula Balaj. juin 2023)

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