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1ère Réunion Ministérielle des Etats Africains Atlantiques : Allocution intégrale de Nasser Bourita

ALLOCUTION DE NASSER BOURITA MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA COOPÉRATION AFRICAINE ET DES MAROCAINS RÉSIDANT À L’ETRANGER :

Chers sœurs et frères, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Mesdames et Messieurs, Permettez-moi, d’abord, de vous souhaiter la bienvenue au Maroc, dans la ville de Rabat ; capitale africaine de la Culture cette année, Capitale Atlantique aussi.

Alors que nous célébrons, en ce 8 juin, la Journée mondiale des océans, je me réjouis que nous célébrions, en particulier, l’Océan Atlantique et les pays africains qui le bordent.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais vous remercier chaleureusement d’avoir répondu à notre invitation à cette première réunion ministérielle des États africains atlantiques.

Je suis convaincu que les débats riches d’hier, et ceux que nous allons avoir aujourd’hui, nous permettront de structurer le dialogue autour de principes communs, d’enjeux partagés et d’intérêts convergents.

Excellences, Mesdames et Messieurs, Alors que nous nous réunissons pour ouvrir écrire un nouveau chapitre de dialogue et de coopération entre États Africains Atlantiques, nous ne partons pas du néant pour autant.

Dès 2013, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé, à « relancer les activités de la Conférence des Etats Africains Riverains de l’Atlantique et à lui permettre de jouer pleinement le rôle qui lui revient ».

Il y a plus de dix ans, et peut être quelques-uns de nos collègues s’en souviennent-ils, nous avions fait un travail collectif important sur la même thématique :

Le processus de mise en place de l’initiative Atlantique Africaine avait fait son chemin, des forums de Skhirat aux conférences ministérielles de Rabat (août 2009 et novembre 2010) en passant par les réunions informelles en marge des sessions de l’Assemblée Générale des Nations Unies ;

Ce travail s’était soldé par l’adoption de plusieurs déclarations ; Il avait également permis la mise en place
d’une structure de suivi, à travers l’établissement d’un secrétariat permanent à Rabat. Mais, les circonstances et les conjonctures ont relégué le sujet de l’Afrique atlantique dans l’ordre des priorités. Toutefois, le sujet pour lequel nous sommes réunis aujourd’hui n’a aucunement perdu de sa pertinence.

Bien au contraire, il n’a fait que gagner en urgence. Car, nous faisons face aux mêmes défis qu’avant, mais ils sont aujourd’hui encore plus pressants.

Le temps qui s’est écoulé nous a permis de prendre un recul utile ; de prendre de l’élan aussi, pour donner, aujourd’hui, l’impulsion nécessaire.

C’est ainsi que le processus né à Rabat en 2009, renait aujourd’hui, sous un nouveau jour, mais avec un même horizon ; celui que nous partageons, du Cap Spartel au Cap de Bonne Espérance.

Excellences, Mesdames, Messieurs,
L’Afrique atlantique a presque tout pour être une zone de paix, de stabilité et de prospérité partagée. A tout le moins, elle en a le potentiel. L’importance stratégique de notre espace n’est
plus à prouver :

– Les 23 pays africains atlantiques que nous sommes représentent 46% de la population africaine ;
– Notre espace concentre 55% du PIB africain ;
– Nos économies réalisent 57% du commerce continental ;
– Notre espace est une aire de mobilité et un lieu de brassage culturel et ethnique ; – Nos espaces maritimes recèlent d’énormes ressources, biologiques et non-biologiques.

Mais, nous nous heurtons aussi à des défis communs importants :
– L’Afrique atlantique est un espace de convoitises et de compétitions ;
– Elle fait face à des défis sécuritaires inédits, avec la montée en puissance des menaces asymétriques, de la criminalité transnationale, de l’insécurité maritime, de la piraterie, du terrorisme, et du grand banditisme ;

– Près de 90% des incidents maritimes, dont la piraterie, ont été enregistrés le long de notre façade atlantique continentale ;
– De plus, notre contient qui souffre de 48% des victimes du au terrorisme dans le monde voit la menace terroriste s’implanter le long des côtes atlantiques ;
– La criminalité transnationale est à la fois une cause et une conséquence du faible maillage sécuritaire, de la faiblesse de la présence étatique, de la porosité frontalière et de l’instabilité politique et institutionnelle ;
– L’Afrique atlantique bat des records en termes de vulnérabilité climatique. D’autant que la littoralisation de nos activités exacerbe les enjeux environnementaux, avec des conséquences majeures sur la sécurité
alimentaire et les déplacements avec près de 1,4 millions de déplacés internes enregistrés
pour la seule région d’Afrique de l’Ouest ;

Ainsi, le réchauffement climatique mène à une montée annuelle des eaux atlantiques africaine de près de 3,6 millimètres, impactant directement les activités économiques et la vie côtière ; Le développement d’un système d’alerte climatique précoce permettrait, selon le Fond Monétaire International, de réduire le risque alimentaire de 30% sur le continent, notamment la côte atlantique.

A cela s’ajoutent les défis de développement humain, de développement économique, de développement durable et de développement tout court.

D’autant que les pays africains atlantiques ne reçoivent que 4% des flux d’IDE à destination de l’espace atlantique contre 74% pour les pays de la rive Nord et ce, malgré le potentiel
économique croissant de l’Afrique Atlantique.

Excellences, Mesdames et Messieurs,
Nous nous condamnons à ne pas récolter le potentiel de notre espace, si nous ne mobilisons pas son potentiel de coopération. Car, il ne suffit pas d’avoir l’Atlantique en partage. Il s’agit aussi de partager une perspective, une vision et des actions :

Nous devons être un espace géopolitique ; notre appartenance n’a pas vocation à être seulement géographique, elle est aussi politique ;

Nous devons avoir une identité stratégique ; que l’on se sente de l’atlantique comme on peut se sentir africain ou méditerranéen ;

Nous devons agir collectivement, pour répondre aux impératifs de sécurité, de développement durable et de prospérité de notre espace.

Et, alors que l’Atlantique Nord est organisé et connait même un regain d’attrait ; que l’Amérique Latine atlantique se structure sous l’impulsion de leaders régionaux ; qu’en est-il de notre espace ?

C’est aujourd’hui et maintenant que nous devons structurer notre espace Africain Atlantique. Et, c’est ce pourquoi nous sommes réunis ici.

Excellences, Mesdames et Messieurs,
La déclaration que nous allons adopter à l’issue de nos travaux institue le Processus (afro-atlantique)
de Rabat.

Elle consacre notre vision, institutionnalise notre démarche et structure notre espace. Elle est, en effet, orientée vers l’action : Elle impulse une coordination sur un ensemble de thématiques stratégiques et de secteurs structurants ;

Elle établit 3 groupes thématiques, chargés du dialogue politique et de sécurité ; de l’économie bleue et de la connectivité maritime et de l’énergie ; et enfin du développement durable et de l’environnement ; Elle réactive le Secrétariat permanent de la Conférence, basé à Rabat.

Cette initiative ne souhaite en aucun cas être en concurrence avec d’autres organisations régionales, ou configurations africaines atlantiques.

Nous voulons qu’elle soit perçue telle qu’elle est, c’est-à-dire une dynamique inclusive pour un processus de gouvernance politique de notre espace atlantique commun, dans son acception élargie.

Notre ambition n’est pas seulement de réactiver les mécanismes du passé, mais de les dépasser. L’ambition du Processus de Rabat est de permettre à l’Afrique de s’approprier l’Atlantique, de formuler des positions communes et, à terme, de réaliser la jonction avec les pays de l’autre rive de l’Atlantique-Sud – l’Amérique Latine.

Notre vision, c’est de reconnaitre que l’enjeu n’est plus d’être des pays riverains qui tournent le dos à l’Atlantique. L’Atlantique n’est pas seulement une limite et une source de défis ; c’est aussi une culture, une conscience et une identité maritime.

Cette même vision nous appelle à diffuser l’esprit de l’Atlantique, auprès de nos départements sectoriels, de nos agents économiques et de nos sociétés ; et d’ériger notre espace en pole stratégique et économique, en zone de jonction, de coopération et d’union. Si l’Atlantique nous rassemble de l’extérieur, qu’il soit aussi ce qui nous unit de l’intérieur.

Alors, chaque 8 juin, nous aurons 2 événements à célébrer : celle de la journée des océans ; et celle de la relance du Processus africain atlantique de Rabat.

Vive l’Afrique. Vive l’Atlantique et vive l’Afrique Atlantique.

 

La rédaction /Le7tv

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