Tribune Citoyenne

Sale temps pour les droits de l’homme

 

Par Driss Ghali

Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier ‘Mon père, le Maroc et moi » aux Editions de l’Artilleur ainsi que « David Galula et la théorie de la contre-insurrection » aux Editions Complicités.

Les défenseurs des droits de l’homme ont toujours eu les yeux rivés sur l’Occident et la France en particulier. Ce n’est pas un reproche car il fallait bien qu’ils cherchent ailleurs un modèle à suivre pour alimenter leur combat, la civilisation islamique et la société marocaine ayant démontré leur incapacité à formuler une doctrine de la dignité humaine. Parfois, je me dis même que le Protectorat a été une bénédiction car 44 ans de présence française ont permis de dépoussiérer des lois et des institutions qui ignoraient complètement la notion d’individu et de bien-être individuel. Dois-je rappeler que le commerce des esclaves était une pratique courante jusqu’au début du XX° siècle et que couper la langue des opposants politiques faisait partie des us et coutumes ? Si la condition de la femme marocaine a fait un bond en avant (en milieu urbain surtout), c’est grâce à la présence française qui a stimulé la fin ou du moins l’assouplissement de l’apartheid séparant les hommes et les femmes dans l’espace public.
Depuis l’indépendance, toutes les avancées liées à la doctrine des droits de l’homme ont été obtenues, directement ou indirectement, par une pression étrangère. La libéralisation du régime de Hassan II à la fin des années 1980/ début 1990 a été largement stimulée par l’activisme d’Amnesty International et d’organisations françaises influentes. La question de la torture et des disparitions politiques a reçu l’attention qu’elle méritait grâce aux interventions (voire aux ingérences) de Mme.Mitterand et de son mari, président de la république française de 1981 à 1995.
Or, nous ne pouvons plus compter sur l’Occident pour faire pression sur l’Etat et la société pour respecter les droits de l’homme. En effet, l’Occident est parti trop loin en définissant des libertés individuelles qu’il est strictement impossible « d’importer » au Maroc. Je pense en particulier à la procréation médicalement assistée pour toutes et bien entendu au mariage homosexuel. Si à titre privé, je suis pour le mariage entre personnes du même sexe, je refuse d’envisager cette possibilité sur le territoire marocain : ce serait la recette de l’explosion sociale et un boulevard ouvert devant les islamistes qui sont aux portes du pouvoir.
Pire, la France, notre meilleur ami en Occident, a été infectée par le délire nommé « laxisme pénal » et qui consiste à voir dans tous les bandits des « victimes de la société en conflit avec la loi » et dont il faut envisager la « réinsertion ». Un délinquant minable peut récidiver vingt ou trente fois en France, sans passer une nuit en prison ! Les tribunaux français ont même instauré une sorte de droit au « premier tabassage » qui consiste à garder en liberté ceux qui ont commis des violences contre la personne pour la première fois. On trouve derrière cette mesure pétrie d’injustice la trace d’une lecture stupide de la doctrine des droits de l’homme. Il est hors de question que le Maroc suive la même voie.
Les ravages d’une immigration incontrôlée poussent la France vers l’abîme. Depuis 2015, presque 300 personnes ont perdu la vie en France à cause d’actes terroristes commis par des étrangers ou des immigrés de deuxième ou troisième génération. La situation sécuritaire française est préoccupante tant les incivilités et les violences gratuites explosent. Prendre le métro en France est devenu une expérience désagréable voire dangereuse surtout pour les femmes et les plus faibles. Il est donc fort possible, qu’à long-terme, les Français finissent par ouvrir les yeux et prendre enfin des mesures drastiques (c’est ce que je leur souhaite). Ils mettront en œuvre alors une politique d’expulsion des clandestins, ce qui engendrera des milliers de cas de conscience car plusieurs sans-papiers ont des liens familiaux et affectifs avec des personnes sur le sol français (enfants, patrons, amis). Plus grave encore, le laxisme pénal français cèdera la place à une lecture plus sévère de la loi et prendra mieux en compte les séquelles psychologiques et physiques des victimes. Pour survivre en tant que société, les Français obligeront leurs magistrats à rétropédaler pour réapprendre à punir tous ceux qui brisent le pacte social. Ce revirement causera d’énormes tensions entre les communautés car les Maghrébins se sentiront visés par une Justice redevenue vigoureuse.
Autrement dit, les militants des droits de l’homme marocains ne pourront plus se contenter de copier ce que font ou disent les Français. La France est « cassée » : le modèle est brisé en mille morceaux et il ne sera pas reconstruit à l’identique.
Il leur faudra donc se retrousser les manches et élaborer une doctrine marocaine des droits de l’homme. Une pensée capable de « sonner » marocain en même temps qu’elle défendra la dignité humaine. Gageure ? Bien sûr mais tous les projets ambitieux présentent des difficultés réputées insurmontables d’entrée. Nous n’avons pas le choix, nous autres modernistes : il faut nous creuser les méninges, sortir de la zone de confort idéologique et nous mouiller. Soit on invente une doctrine opérationnelle et acceptable par la société marocaine, soit on sera balayé par les islamistes.
Au boulot !

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