LES LUMIÈRES DU RAMADAN (épisode 17) HASSAN AL WAZZAN, LÉON L’AFRICAIN
Une série de Abderrazzak Boussaid
C’est Hassan Ibn Mohamed Al Wazzan Al Fassi, حسن ابن محمد الوزان الفاسي né à Grenade de parents musulmans andalous en 1494 et mort vers 1552 à Tunis. C’est un Diplomate et Explorateur d’Afrique du Nord du 15ème et 16ème siècles…
Très vite, après la reddition de sa ville natale aux Castillans, Hassan Al Wazzan est contraint de quitter ses terres avec les siens pour s’installer à Fès au Maroc. Sur place, car issu d’une famille noble et lettrée, il a pu rapidement jouir des largesses de la dynastie des Wattassides au pouvoir…
Formé dans les meilleures écoles, dont celle d’Al Qarawiyyin, Hassan Al Wazzan, acquiert ainsi dès l’adolescence les bases qui allaient faire de lui l’érudit que l’on connaît…
Mais en lieu et place de s’enfermer dans un bureau, une plume à la main, le jeune Hassan Al Wazzan, va profiter du statut de diplomate de son oncle, pour très tôt, s’envoler avec lui à l’étranger…Jeune, il traversa ainsi, tant l’Irak, la Perse, l’Arménie que l’Empire Songhaï en Afrique de l’Ouest…
De fil en aiguille, le jeune homme fini par, lui aussi, embrasser la carrière de diplomate. Les Rois de Fès et du Souss vont dès lors l’envoyer au travers de toute l’Afrique du Nord, jusqu’à atteindre le Sahel. Au Maroc, il jouera même le rôle de négociateur entre les deux Dynasties s’y disputant le pouvoir ; Les Mérinides et Les Wattassides…
Vers1517, Hassan Al Wazzan entame enfin le voyage qui devait le mener au pèlerinage à La Mecque. Passant par Alger, Tunis et l’Égypte, il se rend à Istanbul, capitale des Ottomans, devenus les nouveaux maîtres du monde…
Mais de ce voyage, Hassan Al Wazzan ne reviendra plus. Sur le retour, il est en effet capturé à Djerba par un corsaire castillan dont la prise en mer de musulmans était le métier : Pedro di Bobadilla. Cherchant à se racheter de ses péchés, il fait ramener sa prise jusqu’à Rome pour l’offrir au Pape « Léon X »…
Réjouit de rencontrer un lettré musulman tel qu’Hassan Al Wazzan, le Pape va le garder à ses côtés, lui imposant une instruction des plus catholiques. Bon gré, mal gré, il est baptisé et le Pape lui attribua même son propre nom : Il passe désormais pour « Joannes Leo de Medicis », alias « Léon l’Africain »…
Sa maîtrise de la langue espagnole lui permettra d’apprendre rapidement le latin et l’italien, pour ensuite se fondre dans la société italienne et connaître de plus près les décideurs européens de l’époque, mais également quelques cours royales…
S’entourant des cardinaux locaux et autres humanistes montants, il fait don de ses connaissances à un tout nouveau public friand de savoirs d’ailleurs. Il fait traduire en latin le Coran et concocte avec Jacob Ben Samuel, un médecin juif, un dictionnaire latin-hébreu-arabe…
Mais c’est surtout son œuvre « Description de l’Afrique », composée de neuf volumes, qui marquera les esprits. Rédigée en italien pour le Pape lui-même, l’auteur va y narrer les peuples, villes et terres d’Afrique qu’il eut plus tôt la chance de visiter. Dans un style narratif, parsemant son texte d’anecdotes diverses, il va sans le savoir contribuer à façonner l’image que va se faire l’Occident de l’Afrique…
S’aidant des œuvres d’Ibn Battuta et d’Ibn Khaldun, il fournit alors au lectorat européen d’époque une véritable mine d’or d’informations. Anthropologique et géographique, sa plume va même parfois se porter sur des éléments des plus anecdotiques. Ce qui se trouve sur les tables des uns, comme ce qui se passe dans les chambres des autres, tout y passe !…
Le succès de l’ouvrage est immédiat, pour cause, l’Afrique profonde est encore très mal connue des Européens. Traduit très vite en plusieurs langues et réédité tout le siècle durant, son travail servira de source de première main lors des conquêtes coloniales suivantes de l’Afrique…
Au décès de son protecteur le Pape « Léon X », Hassan Al Wazzan, serait cependant revenu à Tunis et aurait retrouvé sa foi musulmane. En revanche, peu d’éléments historiques permettent de retracer les derniers moments de sa vie, mais son riche ouvrage « Description de l’Afrique » témoigne à lui seul de sa vie mouvementée, ainsi que de l’évolution politique et sociétale d’un continent, laissé par la suite en proie aux hégémonies coloniales et impérialistes…
Connu d’abord des seuls cercles savants, il entrera plus tard dans le patrimoine culturel commun de tous, en devenant notamment le héros d’un roman éponyme écrit par Amin Maalouf en 1986…À suivre.
Abderrazzak Boussaid/Le7tv