Déconfinement sportif de la Botola. Les contraintes physiques à ne pas négliger.
Déconfinement sportif de la Botola.
Les contraintes physiques à ne pas négliger.
RN avec le partenariat de Dr Cherkaoui.
12 semaines de confinement chez nos joueurs. Ils ont tenu à garder la forme et c’est vrai, les préparateurs physiques ont continué dans leur mission . Des séances en mode télétravail. Voilà, c’est pas comme sur le terrain.
Dr Cherkaoui Sidi-Hassan chercheur en performance Sportive à l’université d’éducation physique et du sport à Bucarest (Roumanie) et docteur en pharmacie revient fort.
A apprécier son analyse.
Pendant la période du COVID 19, les athlètes d’élite y compris les joueurs de football, et à l’instar de l’ensemble de la population ont mené une vie restreinte et ont été obligés de s’isoler et de se confiner afin de limiter la propagation de la pandémie.
Cet état de fait aura sans doute des conséquences non négligeables sur les capacités physiques des footballeurs notamment sur l’endurance et la force musculaire.
En effet, le principe de la réversibilité de l’entraînement stipule que l’arrêt ou la réduction sensible de l’entraînement induit une inversion partielle ou complète des adaptations développées précédemment, compromettant ainsi les performances athlétiques.
Bien que les athlètes connaissent des périodes de transition tout au long de leur carrière sportive, coïncidant généralement avec la fin de leur période de compétition, une maladie, une blessure ou d’autres facteurs, la perte d’activité physique actuelle n’est pas comparable à la restriction que représente la plus longue période « d’autogestion » de l’histoire du football d’élite moderne.
Par conséquent, le rétablissement de la forme physique au niveau pré-COVID 19 est d’une importance capitale voire vitale.
Le risque potentiellement plus élevé de blessures sans contact lors du retour à l’entraînement et aux matchs de football après le déconfinement pourrait être associé à une augmentation abrupte de la charge de travail après une longue période d’abstention ou d’entraînement à domicile.
La situation actuelle est très différente des scénarios normaux de présaison, ce qui affecte à la fois la probabilité de performance optimale et augmente le risque de blessure.
Il convient de souligner davantage l’impact bénéfique d’un intervalle préparatoire qualifié avant les matchs de compétition, car le nombre de séances d’entraînement présaison semble réduire les blessures pendant la saison
généralement et après la fin de la saison, les joueurs partent en vacances pendant environ quatre semaines; néanmoins, le niveau de forme physique pourrait être maintenu en partie en adhérant à des programmes d’entraînement individuels. Au retour, les clubs peuvent normalement consacrer environ six semaines à l’entraînement par équipes de présaison, y compris les matchs amicaux.
Les équipes de football d’élite conscient de cette problématique ont attribué pendant le confinement des protocoles d’entraînement individuels spécifiques à leurs joueurs tel le RCBT. Ce dernier est une méthode d’entraînement efficace pour le développement simultané de la consommation maximale d’oxygène (VO2max)
Certaines formes de RCBT à domicile pourraient facilement être réalisées avec un équipement simple et favoriser ainsi les adaptations neuromusculaires et métaboliques.
Sachant pertinemment que les réductions des performances d’exercice maximales et sous-maximales se produisent dans les semaines qui suivent l’arrêt de l’entraînement. Ces pertes de performances aérobies diminuent la fonction cardiovasculaire et le potentiel métabolique musculaire. Ces effets sont dus principalement à :
Une baisse rapide initiale de VO2max (Il faut souligner que des réductions significatives de VO2max sont enregistrées dans les 2 à 4 semaines suivant un arrêt de l’entrainement)
Diminution du volume sanguin;
Changements dans l’hypertrophie cardiaque;
Diminution de la teneur totale en hémoglobine;
Diminution de la capillarisation des muscles squelettiques;
Perturbation de la régulation de la température.
Lorsque l’absence d’entraînement se poursuit au-delà de 2 à 4 semaines, les effets deviennent plus graves.
Il est vrai que ces plans d’entraînement individuel permettent le maintien d’une certaine forme physique Néanmoins, ils s’avèrent insuffisants pour un sport d’équipe compétitif à multiples facettes comme le football.
La raison est le manque d’intensité que nous pouvons retrouver dans les matchs, la perte du timing dans les actions intenses spécifiques au football telles que le jeu de têtes, les tirs et les tacles et le manque d’implication musculaire pendant l’entraînement aérobie de haute intensité et l’entraînement d’endurance de vitesse anaérobie.
Par ailleurs, en supposant que les joueurs sont restés sans entrainement spécifique au football mais ayant appliqué un entrainement individuel pendant 4 semaines et que leur charge de travail pendant cette période était d’environ 20 à 40% de celle de la période de compétition normale, le temps recommandé pour revenir à l’entraînement complet sans risque élevé de blessure est estimé de 3 à 5 semaines.
Je vous laisse donc déduire par vous-même ce qui en ai pour 12 semaines d’arrêt tel qu’observé pour le Maroc.
Ainsi, Hormis le fait que les joueurs auront besoin de temps pour se réadapter à des actions spécifiques au football. La principale inquiétude selon moi demeure la congestion attendue des matchs pour les 2 à 3 mois de reprise de la saison. En effet, la charge biophysiologique qui en résultera sera pertinente et amplifiée par le temps limité disponible pour développer une forme aérobie appropriée.
Nous allons ci-dessous présenter une ébauche de ce qui peut être fait lors de la reprise.
A la fin du confinement, les joueurs doivent passer une batterie de test.
Ainsi, il faudra tester leur aptitude générale par l’entremise de tests mesurant leurs capacités aérobies tels que les tests Yo-Yo, IE2 ou IR2 maximaux ou sous-maximaux.
Aussi il faudra explorer leurs capacités musculaires et leurs intensités ainsi que l’état de leurs fibres musculaires par le biais de EMG (électromyographie) OU TMG, un ECG (électrocardiogramme) et des analyses biologiques.
Outre les tests ci-dessus, un bilan nutritionnel est indispensable. En effet, la réduction de l’activité entraîne une réduction des dépenses énergétiques, ce qui nécessite par conséquent une réduction de l’apport énergétique pour éviter les gains de graisse corporelle indésirables.
Ce bilan devra inclure en plus de la mesure du poids et de la corpulence, la détermination de la masse active, des tissus adipeux et de la rétention de l’eau.
En fonction des résultats de ces tests, un plan de travail doit être mis en place.
Ainsi, nous recommandons, pour la première semaine de retour à l’entraînement, de répartir les joueurs en petits groupes homogènes en fonction des résultats obtenus (mettre dans un même groupe les joueurs dont le résultat des tests est similaire) et elle devrait être consacrée à un entraînement aérobie d’intensité modérée et élevée.
La devise populaire, mais non fondée sur des preuves, qui stipule « pas de douleur, pas de gain » ne devrait pas être dans l’esprit des entraîneurs. En effet, des séances d’entraînement exhaustives peuvent augmenter le risque de blessure et réduire la fonction du système immunitaire.
De plus, les règles médicales générales suggèrent une distance physique. Ainsi, l’entraînement devrait, dans un premier temps, accorder une distance de 2 m entre les joueurs pour empêcher les gouttelettes de salive de se transmettre aux autres joueurs. La forme aérobie devrait être progressivement augmentée avec des exercices de haute intensité spécifiques au football
Les exercices de puissance musculaire et d’équilibre des membres inférieurs devraient aussi être prioritaires mais en optant pour la surcharge progressive pour une meilleure gestion des risques de blessure. Aussi, il faudra incorporer des exercices pour maintenir et améliorer la flexibilité.
Des marqueurs biochimiques de la fatigue et des dommages musculaires couplés à des mesures psychométriques et à la variabilité de la fréquence cardiaque seraient essentiels pour affiner la dynamique dose-réponse
A la reprise de la compétition, d’autres mesures doivent être observées.
En effet, après les matchs, la fatigue résiduelle doit être surveillée à l’aide de divers marqueurs comme la créatine kinase et l’apparition retardée de la douleur musculaire pour optimiser la récupération des joueurs,
Aussi, il faut adopter de bonnes stratégies de sommeil et de repos, l’utilisation de vêtements de compression et une stratégie nutritionnel spécifique.
Cette dernière peut être résumée comme suit :
Glucides pour remplir rapidement les réserves de glycogènes après l’effort.
Protéines pour réduire la perte musculaire et la résistance anabolique induite par l’immobilisation,
Par ailleurs, une attention aux problèmes d’hygiène doit être accordée aux bains de glaces, sauna, hammam, qui sont également utilisés régulièrement pour la récupération.
Tout le monde a hâte de reprendre sa vie avant le confinement. Les athlètes notamment les joueurs de foot professionnels doivent reprendre leurs activités dans les règles de l’Art afin de ne pas subir des blessures irréversibles pouvant menacer leurs carrières.