Histoire et patrimoine

Découvrez ce qu’on a découvert à Erfoud, il y’a 100 millions d’année.

Découvrez ce qu’on a découvert à Erfoud, il y’a 100 millions d’année.

Date: 29 Avril 2020
Source: Université Hassan II de Casablanca
Département de Géologie, Faculté des Sciences Aïn Chock
Professeur Samir Zouhri
GSM : 0661472484
[email protected]

Découverte au Maroc du premier Dinosaure aquatique connu au Monde

Résumé : Une équipe internationale de paléontologues impliquant des chercheurs de l’Université Hassan II de Casablanca (Maroc), de l’Université de Mercy (USA), de l’Université de Portsmouth (Angleterre) et du Muséum des Sciences naturelles de Milan (Italie), dévoile les preuves tangibles du premier dinosaure aquatique connu au Monde, Spinosaurus aegyptiacus, un théropode massif de 13 mètres de long qui vivait au Sud-Est du Maroc, il y a environ 95 millions d’années. Les résultats de cette découverte sensationnelle ont fait l’objet d’une publication dans le dernier numéro (29 avril 2020) de la prestigieuse revue scientifique « Nature » et d’un documentaire sur le site web de National Geographic Magazine.
L’article s’intitule: «Locomotion aquatique propulsée par la queue chez un dinosaure théropode», sera publié dans le site web de « Nature » le 29 avril 2020 à 16 h 00 (heure de Londres). Une fois l’article publié en ligne, il sera disponible à l’URL suivante : https://www.nature.com/articles/s41586-020-2190-3

Spinosaurus aegyptiacus
Collections de la Faculté des Sciences Aïn Chock, Université Hassan II de Casablanca

Une découverte sensationnelle

Une équipe internationale de paléontologues de la Faculté des Sciences Aïn Chock de l’Université Hassan II de Casablanca, de l’Université Détroit Mercy aux USA, de l’Université de Portsmouth en Angleterre et du Muséum d’Histoire naturelle de Milan en Italie, ont découvert, dans la région d’Erfoud au sud-est du Maroc, le premier Dinosaure aquatique connu au monde qui vivait dans la période du Crétacé, il y a environ 100 millions d’années. Il s’agit de la première découverte de restes crâniens et postcrâniens associés de dinosaure après près de 70 ans de travail paléontologique dans la région.
Ces chercheurs fournissent les preuves les plus convaincantes à ce jour à propos d’un dinosaure en mesure de vivre et de chasser dans un environnement aquatique. En effet, ce dinosaure très particulier, Spinosaurus aegyptiacus, avait une longue queue de forme inattendue et unique composée d’épines neurales extrêmement hautes et de chevrons allongés formant un grand organe flexible en forme de nageoire capable de grande ondulation latérale. Les résultats de cette découverte sensationnelle ont été publiés le 29 Avril 2020 dans la prestigieuse revue scientifique « Nature », et ont été aussi mentionnés sur le site web de National Geographic Society.
Il est à rappeler que la même équipe avait constaté auparavant (en 2014) que Spinosaure avait développé une variété d’adaptations aquatiques jusque-là inconnues chez les autres dinosaures telles que la rétraction des narines vers une position proche de la région médiane du crâne, un cou et un tronc allongés qui déplacent alors le centre de la masse corporelle en avant de l’articulation du genou, la ceinture pelvienne réduite, les membres postérieurs sont courts et les os des membres sont sans cavité médullaire ouverte, permettant le contrôle de la flottabilité dans l’eau… Ces résultats ont été alors publiés dans la revue « Science » (1), une autre revue scientifique prestigieuse et mentionnés en première page de National Geographic Magazine.

Une histoire invraisemblable d’un dinosaure hors du commun

Les premiers ossements fossiles du Spinosaure avaient été découverts par le paléontologue allemand Ernst Stromer, il y a un peu plus d’un siècle dans le Sahara égyptien. Malheureusement, tous les fossiles de Stromer ont été détruits lors des bombardements alliés du Musée de Munich pendant la deuxième guerre mondiale en 1944 et seules leurs illustrations sont connues grâce aux publications épargnées de Stromer (2).
Les nouveaux fossiles du Spinosaure marocain ont été découverts dans le site de Zrigat situé à une trentaine de kilomètres de la ville d’Erfoud au Sud-Est marocain. Les premiers ossements connus du Spinosaure marocain ont été découverts par un mateur de fossiles et offerts au Muséum de Milano par un marchand de Fossiles. Ce précieux patrimoine paléontologique marocain a été rapatrié au Maroc grâce à la « scientifique entreprise » entreprise par les chercheurs marocains de l’équipe dans ce sens et la démarche déontologique et éthique de l’institution italienne qu’il faut saluer ici en la personne du Dr Cristiano Dal Sasso, paléontologue spécialiste des dinosaures et co-auteur de cette recherche.

Une première étude avait révélé à certains membres de cette équipe internationale de paléontologues que le Spinosaure avait développé un certain nombre d’adaptations aquatiques jusque-là inconnues chez les autres dinosaures (1). La contestation des premiers résultats de cette étude par certains chercheurs concernant le mode de vie semi-aquatique de cet animal et surtout la conviction des membres de l’équipe de l’originalité et de l’importance de ce dinosaure énigmatique ont été le moteur et la motivation d’entreprendre plusieurs onéreuses et laborieuses compagnes de fouilles durant six ans à la recherche d’autres ossements du squelette de ce spécimen.

Un long et laborieux travail de fouilles et d’investigations paléontologiques

La découverte du squelette de Spinosaure s’inscrit dans les nombreuses trouvailles paléontologiques effectuées par une équipe internationale qui travaille dans la région des Kem Kem depuis 2007 sous la coordination du Dr Nizar Ibrahim de l’université de Mercy aux USA, et des professeurs Samir Zouhri de l’université Hassan II de Casablanca (Faculté des sciences Aïn Chock) et David Martill de l’université de Portsmouth en Angleterre. D’autres chercheurs d’horizons différents et de spécialités diverses ont participé à ces recherches. Un inventaire des principaux résultats des travaux géologiques et paléontologiques réalisés pendant ces années vient d’être publié par la revue Zookeys (3).
Durant la période de 2015 à 2019, pas moins d’une demi dizaine de missions de prospections et de fouilles systématiques de deux à trois semaines chacune étalées sur six ans et auxquelles ont participé paléontologues chevronnés, étudiants et ouvriers, ont été nécessaires pour localiser et exhumer les restes d’ossements du squelette de ce dinosaure dont en particulier la quarantaine de vertèbres caudales qui constituent la longue queue singulière de ce dinosaure. L’accomplissement de ce travail de terrain dans un contexte géographique difficile et exigeant une logistique lourde et une organisation implacable n’a pas pu se faire sans l’appui financier de National Geographic Society.
Les couches géologiques dans la région des Kem Kem d’âge Crétacé (environs 100 millions d’années) d’où ce dinosaure a été exhumé, affleurent le long d’un vaste escarpement près de la frontière maroco-algérienne. Cette zone était alors un grand système de rivières, qui s’étend de l’actuel Maroc à l’Égypte. À l’époque, une variété de vies aquatiques peuplait le système, y compris des grands requins, des cœlacanthes, des dipneustes, des tortues et crocodiliens, ainsi que des reptiles volants géants et des dinosaures prédateurs.
Les fossiles du Spinosaure ainsi récoltés dans le gisement de Zrigat ont d’abord fait l’objet d’un minutieux travail de consolidation et de restauration avant de faire l’objet d’une étude multidisciplinaire. Le travail de restauration consiste à corriger les déformations post-mortem et diagénétiques et relier les différents éléments du squelette entre eux en fonction de leur interprétation morpho-fonctionnelle. La restauration exige des connaissances précises de l’anatomie du squelette des dinosaures et en l’occurrence dans ce cas du Spinosaurus et de ses proportions corporelles dont en particulier sa queue inhabituelle. Une fois restaurés, les éléments squelettiques les plus intéressants pour l’étude ont fait l’objet de la photogrammétrie pour obtenir des modèles 3D de ces ossements.

L’étude dont les résultats sont publiés dans ce dernier numéro de la revue Nature, s’est focalisé principalement sur le volet morpho-fonctionnel de la queue du spinosaure avec une forme inattendue et unique composée d’épines neurales extrêmement hautes et de chevrons allongés formant un grand et flexible organe en forme de nageoire capable d’une grande ondulation latérale. À l’aide d’un appareil de battement robotisé, deux spécialistes de biomécanique co-signataires de l’article, ont pu mesurer les forces ondulatoires dans les modèles de queue physiques, et montrer que la forme de la queue du Spinosaurus produit une poussée dans l’eau d’une efficacité plus grande que les formes de queues des dinosaures terrestres, et comparable à celles des vertébrés aquatiques existants qui utilisent des queues déployées verticalement pour générer propulsion en nageant. Ces résultats constituent la première preuve non ambiguë d’une structure de propulsion aquatique chez un dinosaure, le théropode géant Spinosaurus aegyptiacus qui affermissent la série d’adaptations pour un mode de vie aquatique et un régime piscivore du Spinosaurus déjà souligné par l’équipe auparavant (1). Ces adaptations au milieu aquatique, bien que amplement moins bien développées, se retrouvent également chez d’autres spinosauridés, un groupe de dinosaures avec une distribution quasi mondiale et une répartition stratigraphique de plus de 50 millions d’années, documentent une occupation importante des environnements aquatiques par les dinosaures ; ce qui a été longtemps réfuté par la plupart des spécialistes de dinosaures.
Une description anatomique détaillée des fossiles du Spinosaure, ainsi que du contexte géologique, sont incluses en annexes dans le volet « informations supplémentaires » à l’article principale. Les informations supplémentaires comprennent également des détails sur une reconstruction de Spinosaurus basée sur le squelette partiel conservé dans les collections de la Faculté des sciences Aïn Chock de Casablanca, ainsi que les estimations de sa masse corporelle, centres de masse des segments et du centre de gravité du corps etc.

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