ENFANCE LÉSÉE, JUSQU’À QUAND ?
Par Samir Zerouali
D’un côté, la bande annonce du Master Chef Junior 2019, illuminé de mille étoiles, par une campagne médiatique onéreuse et professionnelle. L’exemple parfait d’une émission télé à l’honneur de l’enfance Marocaine, animée par des chefs célèbres et reconnus. Dotée de moyens et d’infrastructures de hauts niveaux, ses groupes de travail incluent des activités de gastronomie, ayant pour vocation de développer les capacités intellectuelles de nos enfants. Bravo ! Révérence tirée !
Et de l’autre côté, une tentative de suicide collectif d’adolescents, anciens pensionnaires de l’orphelinat Islamique de Ain Chock à Casablanca. Ils ont, en ce vendredi 29 novembre, tentés de se jeter du pont de Sidi Maarouf. Ce drame, qui a pu être évité in-extremis, grâce au déplacement sur place des autorités locales, vient en réponse à la démolition dudit orphelinat par une décision de justice.
Ce même orphelinat rappelez-vous, dont la visite inopinée de Sa Majesté Mohammed VI en avril 2005, permis de dévoiler les conditions de gestion révoltantes, et de procéder à l’emprisonnement de plusieurs de ses responsables. Par une haute initiative Royale, les pensionnaires de moins de 18 ans, avaient été placés dans d’autres orphelinats. Les plus âgés, s’étaient vus offrir des triporteurs et des aides financières, pour leurs réinsertions sociales. Certains avaient même intégré des postes, parmi les forces de l’ordre ou auxiliaires.
Mais faut-il toujours attendre les interventions Royales, pour palier aux problèmes ? Le gouvernement doit faire face à ses responsabilités, par des actions suivies et continues dans le terrain. La réalité est alarmante, et nécessite des médecins, des psychologues, des éducateurs, parmi les aides à pourvoir aux besoins urgents. Ces petits corps frêles arpentent les rues, sans perspectives ni avenir. Des rues cruelles n’ayant de recours que l’addiction aux drogues. Rien d’autre que la drogue, la mendicité et le chapardage.
Il faut dire que même les lois, ne leur ont guère laissé le choix. Les portes du travail ayant été barricadées, par des préjugés impropres à nos réalités, n’ont fait que dresser d’autres obstacles à leur épanouissement.
Selon l’article 143, du titre 2, de la loi 1999-65, les mineurs ne peuvent accéder à l’emploi, avant l’âge de 15 ans. Mais en réalité selon l’article 145, le véritable âge d’insertion à la vie active, est de 18 ans.
Cette loi est peut-être adaptée aux pays développés de l’occident, mais pas aux vérités de notre pays. Pourquoi cherchons-nous à séduire les gouvernements occidentaux, en nous alignant à leurs normes ? Pour bénéficier de leurs félicitations ? Oui ! Comme celle de la banque mondiale, qui indique je cite : qu’il nous faudrait un «miracle éducatif» pour sauver notre pays de l’analphabétisme. Ces cols cravatés de la haute finance, n’ont pas pris de gants pour rapporter les pourcentages de leurs indicateurs : 16% des dépenses de l’état sont réservés à l’éducation et malgré cela, 64% des enfants de moins de 10 ans, sont incapables de lire et de comprendre un texte. Deux tiers des enfants des écoles Marocaines sont analphabètes.
Voilà pour nous ! Merci !
Et aux autres donneurs de leçons, les notables de l’Unesco en l’occurrence, à affirmer que le Maroc est privé de la moitié de son capital humain, en raison des faiblesses dans l’éducation et la santé.
Gérons notre pays à notre manière. Voyons ce qui est le plus adapté à nos potentiels, pour faire évoluer nos chiffres. Ne nous leurrons pas sur leurs retours. Ce sont des pays riches et industrialisés. Et nous sommes en voie de développement. Ils ont leurs systèmes, et nous avons d’autres fréquences. Ne nous trompons pas sur l’analyse de notre situation. Car c’est ce qui nous empêchera d’appréhender notre problématique, à sa juste valeur et selon sa vérité profonde.
Combien de garages automobiles, de cafés, de petits restaurants, de commerces, d’ateliers, ou d’autres petites échoppes de métiers, pourraient insérer des enfants de moins de 15 ans. Combien de dirigeants de ces structures, souhaiteraient former ces petits, et leur permettre de s’intégrer socialement. La plupart leurs offrirait même le gîte. Ces petits auraient donc la chance inouïe d’avoir un toit provisoire, tout en gagnant leur vie. Ils pourraient ainsi échapper à la dépravation de la rue.
Le travail n’a jamais été un handicap pour un enfant, dans la condition où il n’excède pas ses capacités. Si les horaires de travail sont réglementés et les repos honorés, cela ne sera que bénéfique pour eux. L’école n’est plus faite pour ces petites mains et ses jolis visages. Offrons-leur du travail, offrons-leur une vie décente. Donnons-leur la chance de gagner leur dignité. Une activité qui permettra à ces petits anges d’évoluer selon les possibilités de notre pays. Validons ces opportunités, et aidons les à bénéficier de relations empathiques et décisives, afin qu’ils puissent être honnêtement responsables de leurs destinées.
Discours de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI : « ….Convaincu que le travail est un moyen essentiel pour le développement du pays, la préservation de la dignité de l’homme et l’amélioration de son niveau de vie ainsi que pour la réalisation des conditions favorables à sa stabilité familiale et à son progrès social… »