Une série documentaire sur Trayvon Martin, l’adolescent noir tué pour rien
Six ans après, la mort du jeune Trayvon Martin, l’adolescent noir de Floride tué par un homme qui le trouvait suspect, est l’objet d’une série documentaire dont ses parents espèrent qu’elle incitera à un regain de mobilisation.
Pour les auteurs de « Rest in Power: The Trayvon Martin Story », émission en six volets co-produite par le rappeur Jay Z, le mouvement de protestation contre les bavures policières visant des hommes noirs a commencé avec le décès de cet adolescent de 17 ans.
L’acquittement de George Zimmerman, le vigile volontaire qui a tué Trayvon Martin parce qu’il voyait en lui, sans raison objective, un cambrioleur potentiel, avait déclenché en juillet 2013 des manifestations dans plus de 100 villes aux Etats-Unis.
« C’est le genre de trucs qui arrive tous les jours aux Etats-Unis, mais il y avait quelque chose dans cette histoire qui a focalisé l’attention », explique dans le documentaire Phillip Agnew, fondateur d’une association de lutte contre les brutalités policières.
Le président Barack Obama lui-même avait déclaré que Trayvon Martin aurait « pu être (son) fils ».
« Le genre de haine et de violence qui est arrivé à Sanford (où a eu lieu l’incident, ndlr) est emblématique de l’histoire des Etats-Unis », a résumé Jenner Furst, co-réalisateur du documentaire, lors d’une table ronde organisée lundi à Harlem.
Situé dans la partie nord de la Floride, beaucoup plus conservatrice que le sud, Sanford fut l’un des bastions du Ku Klux Klan.
Une partie importante de la série est consacrée au procès de George Zimmerman, vécu comme une torture par les parents de Trayvon Martin qui disent avoir vu le dossier se déliter sous leurs yeux, miné par les ratés de l’accusation.
L’aspirant policier a bénéficié, en outre, du principe « Stand your ground » (tiens ta position), en vigueur dans plusieurs Etats américains et qui autorise une personne à en tuer une autre si elle s’estime en grave danger, même si elle dispose d’une alternative.
– « Il faut se bouger » –
Le documentaire, diffusé sur les chaînes câblées Paramount TV et BET, montre également le traumatisme qu’a causé l’affaire au sein de la police de Sanford, parfois taxée d’avoir protégé Zimmerman.
Plusieurs policiers ont démissionné depuis et le principal enquêteur a sombré dans la drogue avant de mourir d’une overdose.
Après son acquittement, Zimmerman est devenu le héros d’une frange de la droite dure, rôle qu’il a embrassé en clamant notamment son hostilité vis-à-vis de Black Lives Matter, mouvement de lutte contre les abus de la police envers les hommes noirs.
Durant les mois qui ont suivi, plusieurs autres affaires ont suscité des réactions publiques, notamment les décès de Michael Brown à Ferguson (Missouri) ou Eric Garner à New York, tous deux en 2014.
Le documentaire rappelle que lors de sa campagne victorieuse, Donald Trump a cherché à discréditer le mouvement Black Lives Matter et véhiculé des théories conspirationnistes d’extrême droite.
Six ans après, les cas de violences gratuites et de menaces perpétrées par des Blancs contre des Noirs, au seul motif qu’ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, reviennent régulièrement.
Il y a quelques jours, Markeis McGlockton, un homme noir de 28 ans, a été abattu par Michael Drejka, blanc, à Clearwater (Floride) après une querelle autour d’une place de parking.
Michael Drejka n’a pas été arrêté, bénéficiant, lui aussi, du principe « Stand your ground ».
« Je veux que les gens se servent de ce qui est arrivé à Trayvon comme d’un exemple du fait qu’il faut se bouger », a lancé lundi Sybrina Fulton, la mère de Trayvon Martin, également présente à Harlem.
« N’attendez pas que quelque chose arrive à votre enfant ou à un proche pour dire: OK, je dois faire quelque chose », a-t-elle poursuivi.
« Notre espoir », a dit Chachi Senior, producteur exécutif de la série documentaire, « c’est que l’Amérique voie ça, se regarde dans la glace, réfléchisse, et change d’une manière ou d’une autre, en mieux ».