L’application n’aura même pas eu le temps de souffler ses dix bougies. Après des mois de tribulations judiciaires, TikTok risque de disparaitre des écrans des smartphones aux États-Unis. La Cour Suprême du pays a approuvé ce vendredi 17 janvier la loi qui doit interdire le réseau social préféré des ados, au nom de la sécurité nationale. Une mesure effective dès dimanche… À moins d’un ultime renversement de situation
Un texte de loi pour protéger « la sécurité nationale »
Les neuf hauts magistrats ont estimé que même si « TikTok offre un important mode d’expression, d’interaction et d’appartenance à une communauté », les inquiétudes du Congrès « en matière de sécurité nationale », notamment celles sur les risques d’espionnage de la part de la Chine, sont « bien fondées ». C’est pourquoi, les membres de ce tribunal du dernier ressort ont tous, à l’unanimité, refusé de suspendre la loi interdisant la plateforme. À moins que son propriétaire chinois, ByteDance, n’accepte de la vendre à une entreprise d’ici le 19 janvier.
Le texte de loi, adopté en avril dernier, prévoit en effet un délai de 90 jours si la Maison Blanche peut montrer qu’elle progresse vers un accord de vente viable. Une opportunité saisie par plusieurs investisseurs américains, qui se sont positionnés pour reprendre la plateforme et ses 170 millions d’utilisateurs. À commencer par l’homme d’affaite Frank McCourt. Le propriétaire de l’Olympique de Marseille est prêt à mettre 20 milliards de dollars sur la table. Une hypothèse catégoriquement refusée par Pékin et ByteDance.
C’est donc un message d’adieu à l’Amérique qu’a publié la populaire application ce dimanche… Tout en laissant la porte ouverte à une seconde hypothèse. Celle d’une résolution politique. « TikTok sera malheureusement contraint de fermer le 19 janvier », a annoncé la plateforme, à moins que « le gouvernement de Joe Biden ne garantisse la non-application de la loi ».
Un dossier politique brûlant, que le locataire Maison Blanche a choisi de léguer à son successeur. « L’application de la loi doit revenir au prochain gouvernement, qui prendra ses fonctions lundi« , selon une déclaration de la porte-parole, Karine Jean-Pierre. La balle est désormais dans le camp de Donald Trump. Or, c’est précisément lui qui, lorsqu’il était aux responsabilités, avait signé dès l’été 2020 le premier décret visant à interdire ByteDance. En cause, les « preuves crédibles » des capacités de l’entreprise à « prendre des mesures qui menacent de porter atteinte à la sécurité nationale ». C’était sans compter sur la version 2.0 du mandat Trump, qui signifie au contraire la fin des entraves réglementaires pour les géants de la tech. Se positionnant en totale contradiction avec son précédent constat, le milliardaire a répété à plusieurs reprises être favorable à ce que l’application soit préservée.
Trump aura le dernier mot
Alors, quel sera son arbitrage ? Celui qui doit prendre ses fonctions lundi 20 janvier a estimé que la décision des magistrats doit être « respectée », tout en confiant avoir « besoin de temps » pour statuer sur la question. Mais les premiers signaux laissent peu de doute. « Nous allons mettre en place des mesures pour empêcher que TikTok n’éteigne la lumière », a par exemple assuré dès jeudi Mike Waltz nommé conseiller à la Sécurité Nationale du futur Gouvernement.
Du côté de Donald Trump, non seulement il a évoqué le sort de TikTok lors d’une conversation téléphonique avec le président chinois, mais il a aussi invité le patron de TikTok, Shou Chew, à sa cérémonie d’investiture. « Je tiens à remercier le président Trump pour son engagement à travailler avec nous afin de trouver une solution qui permette à TikTok de rester disponible aux États-Unis », a déclaré en retour le patron chinois dans une vidéo postée sur sa plateforme.
En attendant l’arbitrage du futur président, les clips rythmés de TikTok laisseront-ils place à un écran noir dès dimanche à minuit ? L’incertitude plane encore. Le texte de loi impose théoriquement aux fournisseurs d’accès à internet et d’hébergement des données, et aux boutiques d’applications, de bloquer les téléchargements et mises à jour de l’application à partir de minuit. Mais le ministère américain de la Justice a de son côté fait savoir que l’application de la loi allait s’étaler dans le temps. Des prises de positions « qui n’ont pas apporté la clarté et l’assurance nécessaires aux fournisseurs de services qui font partie intégrante du maintien de la disponibilité de TikTok pour plus de 170 millions d’Américains », a regretté TikTok.
C’est donc un « contexte de grande incertitude », qui continue à planer, comme l’a souligné Courtney Spritzer, patronne de l’agence de marketing numérique Socialfly, spécialisée dans les réseaux sociaux. Pour preuve, même les annonceurs ne savent pas comment se placer. « Certains parient sur une extinction, tandis que d’autres sont plus optimistes », a-t-elle résumé quelques heures de la date butoir.
La rédaction/Le7tv