Ce lundi 16 septembre 2024, l’Allemagne a réintroduit des contrôles mobiles à toutes ses frontières terrestres, une décision qui suscite de vifs débats au sein de l’Union européenne. Ce retour aux contrôles policiers, notamment à la frontière franco-allemande, est justifié par la lutte contre l’immigration illégale. Toutefois, cette mesure ne signifie pas la fin de l’espace Schengen, qui permet encore la libre circulation dans 29 pays européens. Mais ce geste de Berlin pose de sérieuses questions sur l’avenir de cet espace emblématique de la coopération européenne.
Des contrôles frontaliers temporaires mais inquiétants
L’Allemagne n’est pas la première à rétablir des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen. Huit pays, dont l’Autriche, la Suède et la Hongrie, ont périodiquement réintroduit ces mesures dans le cadre des règles de Schengen, qui autorisent un rétablissement temporaire des contrôles pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public. Le traité permet en effet à un État membre de réintroduire des contrôles pour une durée maximale de six mois.
La décision allemande suit cette logique, mais elle intervient dans un contexte particulier. L’Allemagne, qui a été une destination majeure pour les réfugiés et les demandeurs d’asile depuis la crise migratoire de 2015-2016, traverse actuellement une période de tensions politiques internes. En 2023, le pays a reçu 330.000 demandes d’asile, un chiffre bien supérieur à celui de la France, ce qui attise les préoccupations sécuritaires et l’influence croissante de l’extrême-droite allemande.
Le rétablissement des contrôles semble en grande partie motivé par des enjeux politiques. Le gouvernement allemand, confronté à la montée de l’extrême-droite, cherche à rassurer une partie de l’électorat en affichant une fermeté accrue sur les questions migratoires et de sécurité. Cette mesure s’inscrit dans une série d’actions visant à répondre aux inquiétudes après plusieurs attentats récents, tout en prenant en compte les critiques de certains groupes politiques qui appellent à un contrôle plus strict des flux migratoires.
Cependant, les bienfaits réels de cette décision sur l’immigration illégale sont difficiles à évaluer. Alors que la majorité des migrants ne passent pas nécessairement par des points de contrôle terrestres, les effets concrets de cette politique restent limités. Néanmoins, le poids géopolitique de l’Allemagne et sa position centrale dans l’Union européenne donnent à cette décision une résonance particulière. L’espace Schengen se trouve ainsi morcelé pour les six prochains mois, entravant la fluidité des échanges au cœur du continent.
L’espace Schengen à un tournant
La décision de Berlin marque un tournant pour l’espace Schengen. Bien que les contrôles soient temporaires, la répétition de ces initiatives dans plusieurs pays européens démontre une fragilité croissante de cet espace de libre circulation, l’un des piliers de l’intégration européenne. Si la France avait également rétabli des contrôles après les attentats de 2015 ou durant la crise sanitaire de la Covid-19, l’actuelle dynamique en Allemagne pourrait avoir des répercussions plus larges.
L’Union européenne se retrouve face à un dilemme : comment préserver l’intégrité de Schengen tout en répondant aux préoccupations sécuritaires croissantes des États membres ? La réintroduction régulière des contrôles, même sous couvert de sécurité, met à mal l’esprit de coopération et d’ouverture qui avait initialement motivé la création de cet espace.
La fin pour Schengen ?
Alors que l’Allemagne impose de nouvelles restrictions, d’autres pays pourraient être tentés de suivre cet exemple, fragilisant davantage l’unité européenne. L’avenir de l’espace Schengen dépendra de la capacité des dirigeants européens à concilier sécurité et liberté de circulation, tout en maintenant la solidarité entre États membres face aux défis migratoires.
Si la fin de Schengen n’est pas encore à l’ordre du jour, les fissures dans ce projet ambitieux deviennent de plus en plus visibles. Le rétablissement des contrôles par l’Allemagne pourrait bien signaler un virage dans la manière dont l’Europe aborde la question de ses frontières internes et de la gestion des flux migratoires.
Abderrazzak Boussaid/Le7tv