La vie et les combats de Feu Mohamed Bensaid Ait Idder

Mohamed Bensaid Ait Idder est décédé ce Mardi 6 février 2024, Le média Le7tv est fier de se remémorer, la vie et les combats de ce grand homme et de présenter, à partir des documents du CERM, le parcours exceptionnel de ce résistant, respecté par tous. Aussi en cette triste occasion, la direction et l’ensemble des journalistes du Media Le7tv, présentent leurs sincères condoléances à la famille, aux amis et aux proches de Feu Mohamed Bensaid Ait Idder. Nous sommes à Allah et c’est à lui que nous retournons.

Il est à la fois difficile et aisé de présenter une personnalité de la dimension de Si Mohamed Bensaid, grand militant pour un Maroc libre et en phase avec l’histoire , pour des marocains libérés de la servitude et du sous-développement ou des ignorances et de toute entrave à leur droit de façonner leur propre histoire. Mohamed Bensaïd Ait Idder a été le contemporain de trois Rois du Maroc.

 Avec Mohamed V, il a mené le combat de l’indépendance, comme résistant, puis comme responsable de l’Armée de libération marocaine du sud du pays. Sous le règne de Hassan II, il a été d’abord opposant et exilé durant 18 ans, dont 14 à Paris pendant « les années de plomb ».

Ensuite comme parlementaire et figure de la Koutla démocratique. Il a essayé avec ses partenaires de réformer le système politique de Hassan II, de l’humaniser et de le démocratiser. Avec l’avènement du roi Mohamed VI, Bensaid a nourri le rêve d’un sursaut national engageant le Maroc dans un processus d’insertion positive dans le nouveau monde en gestation. Ce grand résistant, affable, ouvert, modeste avec les autres et rigoureux avec lui-même, autocritique, mais également confiant et ouvert sur l’avenir.

Origine et jeunesse

Né en 1925 à Tine Mansour à Chtouka Ait Baha entre Agadir et Tiznit, il est issu de la marginalité du Maroc « inutile » étouffé par la tradition et fouaillé par la blessure coloniale. Enfant et adolescent, il a su sortir du cocon familial douillet pour s’ouvrir sur le monde moderne et le savoir. Il n’est qu’à évoquer ses curiosités pour le cinéma et les journaux. Il a saisi les opportunités qui sont allées le chercher dans son univers campagnard, amazigh et loin au sud.

Puis il s’en est affranchi pour aller vers les devoirs et les dangers de l’engagement. Dès le départ, il était obnubilé par l’enseignement avec rapidement, un désir puissant de sortir du Msid vers le vaste horizon de la connaissance « profane » qui va lui ouvrir les yeux sur le monde et son pays colonisé et assujetti à la fois par le protectorat et par les carcans archaïques d’un Glaoui ou Kettani et par la fascination mimétique d’une « modernité » européo-centrée et poussé à inscrire son nom parmi les soldats d’une véritable renaissance-rupture de son pays.

Engagements

Son premier mentor Mokhtar Soussi, l’emmena à faire ses études à Marrakech mais sera doublé par le Parti de l’Istiqlal et ses leaders dont Abdellah Ibrahim et Mehdi Benbarka. Ainsi, il a su s’émanciper et aller au cœur du combat national puis citoyen.

Sa quête d’ouverture sur la science la modernité devra aboutir à l’Université de Vincennes fille de mai 68, du moins dans sa dimension académique. Au sein d’une élite qui n’a jamais rompu les liens avec la théologie et les sirènes du repli identitaire, Si Bensaid sans tambour ni trompette et sans effets de manches, imperceptiblement, s’est forgé son chemin et influé sur le nôtre et assumé ses choix pour le camp des jeunes, des femmes et des gauchistes …..

Face à la répression

En 1960, il est inculpé pour un complot fictif, puis en 1963 lors du procès de juillet 1963, il est condamné à mort pour « complot contre la monarchie ». Il s’exile alors en France en passant par l’Algérie. Il restera en exil jusqu ‘en 1981 Dès son arrivée à Paris, il continua ses combats notamment au sein du Cercle des Amis de Mehdi Benbarka, qui se fondit fin 1969 dans le Mouvement du 23 mars.

Bensaïd et la Question Nationale

Dirigeant de l’Armée de Libération du Sud qui combattit pour l’unité du Maroc, il ne contribua pas peu à la prise en compte de cette dimension par l’Organisation du 23 mars dès engagement en son sein. Il a mis toute son ardeur pour assurer le projet de Conférence Internationale sur le Sahara sous l’ambition qu’une solution maghrébine est possible que devait organiser le Centre d’études et de recherches Mohamed Bensaid Ait Idder en 2016 .

Fidélité et engagements pour la modernité

Cet homme, ce militant s’est pétri avec le roc dans l’histoire de la Résistance et de l’Armée de Libération sans oblitérer les limites des acteurs de cette épopée. Il n’a jamais stigmatisé les errements sauf lorsqu’il s’est agi des fautes des dirigeants, les trahisons, les manipulations et les infiltrations et surtout des occasions ratées par manque de vision stratégique, d’intelligence tactique ou de rationalité. Grâce à ces qualités aussi précieuses que rares et d’une modestie à toute épreuve, il a compris la prévalence décisive de l’institution sur les individus et leurs opinions sur eux-mêmes. Après le retour d’exil, la fondation de l’Organisation de l’Action Démocratique et Populaire, lui permit de faire ses preuves dans les combats pour la démocratie et d’utiliser des talents certains d’organisateur d’une action électorale intéressante.

Dès avant son retour et après, il contribua à l’épopée du Journal Anoual. Il joua un rôle majeur dans le processus d’unification des organisations gauchistes issues du Mouvement Marxiste-Léniniste marocain. Avant cela et dès son retour, il œuvra sans relâche à rapprocher les Partis issus du combat nationaliste dans la Koutla Démocratique et à pousser à des positions fermes pour amener Hassan II à l’ouverture démocratique du Maroc et à la libération des prisonniers politiques.

Aussi, n‘hésita-t-il pas à porter le sort des suppliciés du mouroir de Tazmammart dans l’enceinte du Parlement en 1991 ! Son engagement est, également total pour rapprocher les pays du Grand Maghreb et y chercher une issue honorable et juste à l’affaire du Sahara. Enfin, son engagement fut constant pour soutenir le combat pour une Palestine libre !

L’époux et le père

Si Bensaid était aussi pleinement, époux et père. Il a attendu la fin de son exil au début des années 80 pour convoler en justes noces avec Saida et donner naissance à deux enfants admirables : Houda et Othmane qui font les chemins qu’ils se sont choisis en toute indépendance. Lui et son épouse et ses enfants ont toujours mis un voile pudique sur leur vie familiale. Mais ses proches sont souvent surpris par la complicité bienveillante et pleine d’humour qui règne au sein de la petite famille. Il a également jeté un voile pudique sur son caractère : il n’était pas réfractaire au travail manuel que ce soit dans un restaurant à Paris ou à la saisie des journaux 23 mars et Anfass, leur conditionnement pour l’envoi en Europe au Machrek ou au Maroc.

La bosse des archives

Une autre caractéristique ô combien précieuse est le soin particulier qu’il accorde aux documents et aux archives. Non seulement, il a pu sauvegarder une partie importantes des archives de ses différentes vies militantes : l’Armée de Libération, l’UNFP et 23 mars, mais il a établi et laissé, de son écriture particulière, des comptes rendus et des rapports sur des réunions et des faits importants. Ce fonds documentaire a servi pour les différents livres qu’il a publiés ou mis à la disposition du CERM. Le destin de Si Bensaid est le Maroc avec sa pluralité et son ouverture sur son voisinage, est le Maghreb et toutes ses dimensions, la cause palestinienne, les marocaines et les marocains, particulièrement les jeunes.

La rédaction /Le7tv (avec CERM)