Le Président Syrien, Bachar Al Assad, est accusé de complicité de crimes contre l’humanité et de complicité de crimes de guerre pour les attaques chimiques perpétrées à l’été 2013 dans son pays.
C’est une décision très lourde de sens. Selon une source judiciaire, des juges d’instruction français ont délivré ce mardi 14 novembre des mandats d’arrêt contre le président syrien Bachar Al Assad et trois autres dignitaires du régime de Damas pour leur implication dans les attaques aux armes chimiques perpétrés en Syrie en 2013. Ces mandats d’arrêt visent des qualifications de complicité de crimes contre l’humanité et complicité de crimes de guerre
Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une information judiciaire conduite par le pôle spécialisé crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du tribunal judiciaire de Paris. Cette instruction a été ouverte suite à la plainte déposée en mars 2021 par le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) et par des victimes syriennes. Plusieurs ONG de défense des droits de l’homme (Syrian Archive, Open Society Justice Initiative et Civil Rights Defenders) se sont constituées parties civiles ainsi que des membres de l’Association des victimes d’armes chimiques.
Ces mandats d’arrêt visent le chef de l’État syrien Bachar Al Assad, son frère Maher el-Assad en sa qualité de chef de la 4e division blindée, le général Ghassan Abbas, directeur de la branche 450 du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS), et le général Bassam el-Hassan, chef de la sécurité et officier de liaison entre le palais présidentiel et le CERS.
L’information judiciaire porte sur deux attaques chimiques perpétrées en août 2013. La première, le 5 août, a visé les villes d’Adra et de Douma, à l’est de Damas, la capitale. « Les témoignages de survivants et de médecins évoquent des patients souffrant de problèmes respiratoires en raison de l’exposition aux produits chimiques. Les hôpitaux de Douma ont rapidement été submergés », précisent les organisations plaignantes dans un communiqué, en précisant que cette agression a fait plus de 400 blessés. La seconde attaque, le 21 août 2013, s’est révélée bien plus meurtrière.
Au petit matin, des roquettes chargées de gaz sarin ont visé le quartier de la Ghouta orientale, à l’est de Damas. Les civils se seraient alors précipités sur les toits pour éviter l’exposition à ce gaz neurotoxique mortel, d’où ils ont ensuite été visés par des bombardements du régime : une stratégie qui les a alors contraints à redescendre et donc à respirer le sarin. Cette attaque a fait plus de 1 000 morts, dont de nombreux enfants, et des milliers de blessés graves. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière du conflit syrien.
Deux juges d’instruction ont été désignés pour piloter les investigations. « Des dizaines de témoignages – de victimes, témoins des attaques et experts – ont été recueillis. Des centaines de preuves matérielles ont été versées : des rapports de renseignement déclassifiés, contributions d’organisations internationales, analyse d’informations en source ouvertes ainsi que des photos et vidéos établissant la responsabilité du gouvernement syrien dans la commission de ces attaques », relève le communiqué des parties civiles.
Les magistrats ont manifestement été convaincus qu’il existait des indices graves et concordants incriminant directement le dictateur syrien et ses sbires. « L’émission de mandats d’arrêt par la justice française contre le chef de l’État, Bachar Al Assad, et son cercle rapproché constitue un précédent judiciaire historique. C’est une nouvelle victoire pour les victimes, leurs familles et les survivants ainsi qu’un développement important en faveur de la justice et d’une paix durable en Syrie », se félicite l’avocat Mazen Darwish, fondateur et directeur général du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, à l’origine de la plainte.
La délivrance de ces mandats d’arrêt est d’autant plus importante qu’elle vise un président en fonction. Les juges ont estimé qu’ils pouvaient faire valoir l’exception au principe d’immunité dont bénéficient théoriquement les dirigeants, une possibilité offerte compte tenu de la gravité des crimes poursuivis.
C’est la première fois qu’une juridiction nationale fait droit à cette exception d’immunité pour poursuivre un chef de l’État en exercice. Jusqu’ici seules des juridictions internationales s’étaient déclarées compétentes. « Cette décision représente une étape historique dans la lutte contre l’impunité portée par les victimes et les ONG. D’un point de vue juridique, elle s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle favorable au regard de l’extrême gravité des crimes commis.
Elle signifie que la poursuite des auteurs présumés de crimes internationaux doit désormais prévaloir sur les règles procédurales d’immunités », appuient Mes Clémence Witt et Jeanne Sulzer, les avocates des ONG parties civiles et de plusieurs victimes de ces attaques chimiques.
La rédaction /Le7tv