Les maladies psychiatriques constituent un tabou difficile à briser en Algérie. Elles sont rarement évoquées ou abordées par les experts ou les spécialistes dans les colonnes des médias algériens. Et pourtant, les maladies psychiatriques connaissent une alarmante expansion qui renvoie les algériens vers un souvenir amer et traumatisant : celui de l’héritage de « la guerre civile des années 90 », la fameuse décennie noire qui a endeuillé des millions d’Algériens et qui a provoqué des traumatismes à l’échelle nationale !…
En octobre 2018, un document interne classé « top secret » au sein du ministère de la santé algérien, constatait que les problèmes de santé mentale représentent un sérieux défi pour le système de santé et les troubles mentaux constituent la principale cause d’incapacité physique !…
Ce document, avait établi une relation directe entre l’augmentation des cas de maladies psychiatriques et l’héritage de la décennie noire des années 90 : « L’Algérie a connu durant les années 90, en plus d’une crise socioéconomique sévère, une période de violence liée au terrorisme ayant entrainé la perte de milliers de victimes, occasionné des centaines de milliers de viols, des mutilations et autres violences extrêmes », note ce document en reconnaissant que « ces événements traumatiques viennent en écho à la période de « la Guerre de Libération » où la population algérienne avait fait face aux massacres et autres atrocités dont les séquelles psychologiques sont encore visibles à nos jours » !…
Une étude menée en 1999 à Alger et ses environs avait montré effectivement que 37,4% de la population souffrait de PTSD (Etat de Stress Post Traumatique), 22,7% de troubles de l’humeur, 23,3% de troubles anxieux et 8,7% de troubles somatoformes, à savoir des troubles mentaux dont la caractéristique principale est la prééminence de symptômes physiques associés à une détresse et à un handicap significatif.
D’autre part, les maladies mentales figurent parmi le top 10 des maladies chroniques retrouvées chez les personnes composant l’échantillon de l’enquête nationale, menée par l’Institut National de Santé Publique en 2005.
Cette étude montrait que le nombre de personnes vivant en milieu urbain était le double des personnes vivant en milieu rural parmi les personnes présentant des maladies mentales. Par causes, la dépression unipolaire occupait la première place dans la distribution de la charge de morbidité liée aux troubles neuropsychiatriques, suivie de la schizophrénie, des troubles bipolaires puis de l’épilepsie dont un grand nombre de cas demeurent toujours pris en charge dans les services de santé mentale en Algérie. Toutes ces données démontrent qu’au début des années 2000, les maladies psychiatriques ou les troubles mentaux ont explosé à cause des séquelles de la décennie noire !…
Des séquelles qui continuent de marquer les Algériennes et Algériens jusqu’à aujourd’hui encore. Preuve en est, en 2017, l’Algérie avait enregistré plus de plus de 900.000 consultations psychiatriques !…
D’autre part, des spécialistes ont révélé également qu’en matière d’addiction, le centre spécialisé en addictologie du CHU d’Alger, a comptabilisé, depuis son ouverture en 2017, 13.000 malades venant de 24 wilayas d’Algérie !…
Les experts en maladies mentales tirent la sonnette d’alarme, et exigent de nouvelles études de terrain, pour cerner « les proportions réelles » de ces maladies en Algérie, afin de mieux les endiguer, car Il en va de la stabilité de la société algérienne toute entière, et pour que l’Algérie ne devienne pas un asile psychiatrique à ciel ouvert !…
Abderrazzak Boussaid /Le7tv