Pour vraiment avancer ensemble vers un avenir mutuellement bénéfique, l’Espagne et le Maroc doivent d’abord porter un regard critique sur leur passé commun, plein de tragédies et de douleurs, mais aussi de promesses et d’espoirs, souligne l’expert international en études stratégiques, Lahcen Haddad.
“Relire l’histoire ne signifie pas déterminer qui avait tort et qui avait raison. Le but d’un tel effort est d’établir des mécanismes pour comprendre mutuellement des événements bien documentés, grâce à une écriture historiographique soigneuse et objective”, fait observer M. Haddad dans un article publié dans la presse.
“Cette lecture ne signifie ni faire taire des textes, des événements ou des gestes qui gênent, ni trouver des excuses aux tragédies du passé. Ce qui compte, c’est d’explorer les profondeurs de l’histoire – avec toutes ses tragédies, ses douleurs et ses chagrins- et de réconcilier les générations présentes des deux côtés avec elle. Ce qui compte, c’est de poser les bases d’un traitement complexe et critique (au sens philosophique d’Edgar Morin et de Daniel Inerarity) de la présence continue du passé dans le présent et le futur”, poursuit-il.
Selon M. Haddad, “les deux parties doivent procéder à une déconstruction philosophique, historique et conceptuelle des idées toutes faites, des points de vue profondément enracinés, des stéréotypes et des protocoles rhétoriques des uns envers les autres”.
“Réalisé de bonne foi, cela contribuerait à créer un terrain fertile pour un débat critique sur l’héritage commun, avec ses tragédies et ses ratages, sur le présent tumultueux, mais surtout sur les espoirs et les promesses de l’avenir de leurs relations et de leur destin commun”, insiste-t-il.
Dans cet article, qui présente une double lecture des principaux faits ayant marqué l’histoire des relations maroco-espagnoles, M. Haddad estime que “ces récits alternatifs d’événements historiques illustrent que les relations entre le Maroc et l’Espagne sont dominées par des interprétations conflictuelles et contradictoires”.
“Chacun a ses propres récits et histoires qui sont diamétralement opposés à ceux de l’autre camp. Des idées toutes faites, des stéréotypes et des opinions bien ancrées sont maintenus, entretenus et conservés de part et d’autre depuis le Moyen Âge”, explique-t-il.
“L’ironie est que les relations commerciales et économiques sont devenues très développées et que les relations sociales et culturelles sont profondes entre les deux peuples, mais le dialogue politique reste stérile et est dominé par une vision étroite des intérêts internes et externes et des calculs et considérations tactiques de part et d’autre”, note-t-il.
En conclusion, M. Haddad souligne qu’”une relecture objective et académique de l’histoire partagée doit être effectuée pour s’éloigner des idées toutes faites et fournir un espace pour un compte rendu honnête des faits à la lumière des positions et lectures, déconstruits de chaque camp”.