Maîtres de l’une cargaison vaccin pfizer depuis un mois, les talibans sont confrontés à un double défi : rétablir la paix dans un pays ravagé par quatre décennies de guerre tout en évitant les luttes potentiellement fratricides dans leurs rangs.
Cette unité de façade cache toutefois, comme tout autre mouvement, bon nombre de rivalités, de divisions, d’allégeances et de factions diverses et anciennes.
La rumeur est apparue lundi : une fusillade entre factions rivales au palais présidentiel à Kaboul aurait tué le nouveau vice-Premier ministre Abdul Ghani Baradar. Ce dernier a été contraint de publier un message audio sur les réseaux sociaux pour assurer qu’il était toujours en vie et démentir les tensions au sein du nouvel exécutif.
Loin d’être nouvelles, les rumeurs sur des divisions avaient été notamment avancées par certains observateurs pour expliquer, entre autres, le retard pris par le mouvement islamiste dans la présentation du nouvel exécutif.
Pour Niamatullah Ibrahimi, spécialiste de l’Afghanistan à la Trobe University (Australie), le choix des ministres contient les graines d’une discorde à venir au sein du groupe, très hétéroclite, des talibans.
Les postes clefs ont été répartis entre les caciques de l’ancien régime taliban de la fin des années 1990 et des membres du réseau Haqqani, historiquement lié à Al-Qaïda et aux services de renseignement pakistanais.
Ce dernier, qui a remporté de nombreuses victoires sur le terrain ces dernières années, a notamment obtenu le portefeuille du ministère de l’Intérieur qui sera dirigé par Sirajuddin Haqqani.
Un « choix naturel » , selon Graeme Smith, consultant à l’International Crisis Group qui rappelle que l’homme, placé sur la liste noire du FBI, « a organisé certaines des unités de combat les plus élitistes des talibans ».
Mais si elle est saluée par certains, la nomination de Sirajuddin Haqqani apparaît aux yeux d’autres comme une épine dans le pied du nouvel exécutif en quête de la reconnaissance de la communauté internationale et de la reprise des aides internationales.
Un échec à ce sujet porterait un sérieux coup à l’image d’ Abdul Ghani Baradar, acteur clef lors des négociations avec l’Occident qui ont débouché sur l’accord historique conclu avec les Etats-Unis en 2020 à Doha.
Sans reconnaissance étrangère, les talibans pourraient avoir du mal à gérer la crise économique et la « catastrophe humanitaire » annoncées par les Nations unies qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme.
Les rivalités entre factions pourraient poser d’autres problèmes, notamment diplomatiques, avec certains voisins de l’Afghanistan, soulignent par ailleurs les experts.
Les groupes talibans de l’ouest de l’Afghanistan, notamment ceux en lien étroit avec les gardiens de la révolution iranienne, n’ont obtenu aucun portefeuille au sein du nouvel exécutif.
« Les talibans se sont prononcés contre un cabinet inclusif, ignorant les demandes émanant d’éminents hommes politiques afghans et d’Etats de la région qui appelaient à nommer des non-talibans à des postes importants », relève Graeme Smith. « C’est bien pour la cohésion inter-talibane et cela va plaire à leurs partisans mais ils risquent de s’aliéner les autres Afghans et la communauté internationale. »
L’Iran ou la Russie pourraient très bien décider, en retour, de financer certains groupes sur place afin de s’assurer que leurs intérêts soient préservés dans la région, souligne de son côté Niamatullah Ibrahimi, qui y voit « la recette pour un conflit violent ou une résistance ».
Le7tv (avec AFP).