Une nouvelle page de l’histoire d’Israël s’est tournée, dimanche 13 juin. Après douze ans d’un règne ininterrompu, le Premier Ministre Benyamin Nétanyahou a été écarté à la suite d’un vote de confiance de la Knesset (le parlement israélien) en faveur d’une coalition hétéroclite menée par son ancien allié Naftali Bennett.
Cette figure de la droite dure religieuse s’est frayé un chemin en politique jusqu’à prendre la place de « Bibi », son ex-mentor, pour devenir, à 49 ans, le 13e Premier Ministre de l’Etat Hébreu. Voici trois choses à savoir sur lui :
1 / Naftali Bennett, un ancien membre des forces spéciales et un millionnaire de la tech
Né le 25 mars 1972 à Haïfa, Naftali Bennett est le fils d’immigrants américains venus en Israël à la suite de la guerre des Six-Jours. Après avoir passé une partie de son enfance à Montréal (Canada), à cause de la carrière de son père, il revient s’installer avec sa famille dans son pays natal. Il y reçoit une éducation religieuse tandis que ses parents adhèrent progressivement aux discours de la droite nationaliste et de l’extrême droite, souligne le quotidien israélien de gauche Haaretz.
Jeune adulte, il sert un temps dans la prestigieuse unité militaire Sayeret Matkal, qui a été dirigée par « Yoni » Nétanyahou. Durant ses années militaires, l’unité de Naftali Bennett est impliquée dans le très controversé bombardement de Cana, durant l’opération « Raisins de la colère » en avril 1996 dans le sud du Liban, qui cause la mort de plus de 100 civils près d’un camp des Nations unies et suscite l’indignation internationale.
Après six ans de service, le jeune Naftali Bennett quitte l’armée, passe les trois années suivantes à étudier le droit, puis lance, en 1999, Cyotta, une entreprise de cybersécurité. Il déménage à New York où il s’impose comme un ténor de la « start-up nation » en revendant Cyotta pour 145 millions de dollars (120 millions d’euros) en 2005.
2/ Une figure du « camp nationaliste », ancien bras droit de « Bibi »
Lassé de sa carrière d’entrepreneur, il s’engage en 2006 dans la politique israélienne en rejoignant le Likoud, le parti de droite nationaliste pour lequel a toujours voté sa famille. Il devient le bras droit de Benyamin Nétanyahou, tout juste élu président du parti.
Deux ans plus tard, Naftali Bennett quitte le Likoud pour diriger le Conseil de Yesha, principale organisation représentant les colons israéliens en Cisjordanie, qui deviennent son fonds de commerce politique. En 2012, il prend les rênes du Foyer juif, le parti historique des colons. Ce dernier se greffe en 2019 à d’autres micropartis pour former la formation Yamina (« A droite »), dont Naftali Bennett devient le chef, laissant les discours les plus radicaux à de nouveaux partis plus extrémistes encore.
Tout au long de cette période, l’homme politique multiplie les propos nationalistes. Selon lui, il n’y a pas d’occupation israélienne en Cisjordanie car « il n’y a jamais eu d’Etat palestinien ». S’exprimant à propos de prisonniers palestiniens, il affirme également que les « terroristes doivent être tués, pas libérés ». Durant un débat télévisé, en septembre 2010, il lance au député arabe israélien Ahmad Tibi : « Vous les Arabes grimpiez encore aux arbres quand un Etat juif existait déjà », rapporte le journal Le Monde.
3/ Un habile stratège avec « très peu d’idées et beaucoup de slogans »
Naftali Bennett a su jouer de son image de nationaliste acharné, même si les observateurs de la politique israélienne mettent parfois en doute ses convictions. Il s’est rapidement imposé comme l’incontournable « faiseur de roi » des coalitions formées par Benyamin Nétanyahou. « Je suis dans une position confortable, toujours un peu à la droite de ‘Bibi’. Quand je m’exprime sur les questions diplomatiques ou sécuritaires, il va finir par monter d’un cran pour me rattraper », disait-il lorsqu’il était encore son ministre. Il s’est ainsi trouvé une « image faite sur mesure pour un public qui cherche désespérément un remplaçant légitime à Nétanyahou », note auprès de l’AFP Evan Gottesman, directeur adjoint de la politique et de la communication au sein du groupe de réflexion Israel Policy Forum.
Pourtant, Naftali Bennett, qui a détenu cinq portefeuilles ministériels depuis 2013, dont celui de la Défense (2019-2020), n’a jamais montré d’ardeur particulière à transformer ses déclarations en véritable projet politique. Marié à Gilat Bennett, pâtissière de formation et laïque, ce père de quatre enfants, qui porte la kippa tous les jours, suit une pratique stricte du judaïsme, toutefois teintée de modernité.
Son gouvernement devra relever de nombreux défis. En présentant à la Knesset les grandes lignes de son mandat, Naftali Bennett a affirmé que sa coalition ne laisserait pas « l’Iran se doter de l’arme nucléaire », assurant que son pays se « réserverait une liberté totale d’action » contre son ennemi juré qui se défend de chercher à obtenir l’arme atomique. Le gouvernement devra aussi trouver un terrain d’entente sur la relance économique post-pandémie.
Il devra également gérer la question palestinienne, et ce, dès son entrée en fonction, alors qu’a lieu mardi une marche de l’extrême droite israélienne à Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé par l’Etat hébreu. Le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans l’enclave palestinienne de Gaza sous blocus israélien, a évoqué de possibles représailles si cette marche se tenait près de l’esplanade des Mosquées.
Abderrazzak Boussaid/Le7tv