Des vidéos ont été retransmises en direct sur les réseaux sociaux de quelque dizaine de manifestants qui ont réussi à marcher notamment au quartier d’Ain Benian et El Harrach. Les manifestants ont scandé des slogans habituels du hirak appelant à l’instauration d’un Etat civil et rejetant les élections législatives du 12 juin.
Alors que la capitale est presque totalement verrouillée par un dispositif sécuritaire répressif de grande envergure empêchant pour le troisième vendredi consécutif les manifestations, la région de la Kabylie a continué à entretenir la flamme de la contestation populaire en faveur du départ d’un « régime corrompu », du changement démocratique, l’indépendance de la Justice et l’édification de véritables institutions légitimes.
A Béjaia comme à Tizi-Ouzou, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues pour scander les revendications pacifiques du Hirak réclamant aussi la libération des détenus, tout en défiant la répression policière et judiciaire. « Nous n’allons jamais arrêter de résister », criaient les foules mobilisées ce vendredi à Béjaia et Tizi-Ouzou, les deux principales régions en Algérie qui ont réussi à contourner le blocus sécuritaire imposé par le pouvoir contre le Hirak.
Le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD) a fait état de plusieurs interpellations notamment aux wilayas de Jijel, Tlemcen et Boumerdes où plusieurs centaines de manifestants arrivent à imposer leur marche dans la commune de Bordj Menaïel. « L’Etat nous réprime mais nous nous n’arrêterons pas », scandent les manifestants, dénonçant les récents actes de violence contre les manifestants pacifiques.
D’après plusieurs avocats algériens impliqués activement dans la défense des détenus d’opinion, le régime a intensifié sa politique répressive contre le hirak » avec des tentatives d’intimidation ciblant des militants qui sont le cœur battant du hirak. « Le hirak est criminalisé alors qu’il est consacré par la Constitution », selon Me Abdeghani Badi, qui rappelle que 156 détenus d’opinion croupissent toujours dans les geôles algériennes pour des faits liés au hirak ou aux libertés individuelles.
De son côté, Me Mustapha Bouchachi a exprimé son indignation face à la dégradation continue de la situation des droits de l’Homme dans le pays. Pour lui, « l’heure est grave » et « l’opinion publique, la classe politique, les associations, les médias et les syndicats, dit-il, doivent être tenus au courant de ces agissements et pratiques qui mobilisent tout un corps de sécurité contre les citoyens ».
« Nous assistons depuis le 7 mai dernier à des dépassements dangereux systématiques et programmés contre les Algériens, dans la capitale et dans plusieurs villes du pays », a-t-il regretté.
« Les arrestations, opérées par les forces de l’ordre, sur ordre du régime, sont illégales (…). L’appareil judiciaire et sécuritaire est au service d’un régime dictatorial », a-t-il dénoncé, relevant que « seul le régime est responsable » de cette situation.
Face aux atteintes des droits de l’homme, Me Bouchachi a lancé un « appel de détresse » et exhorté la classe politique et les syndicats à dénoncer des pratiques « impunies ». Selon lui, cette répression des manifestations du hirak est accompagnée d’un black-out médiatique. Selon le dernier décompte du CNLD et de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, 175 détenus sont actuellement en prison. A l’approche des législatives, les autorités continuent de cibler opposants politiques, militants, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations.