Les marches hebdomadaires du Hirak, ce mouvement populaire de protestation pacifique en Algérie, ont été de nouveau empêchées ce vendredi dans la capitale et dans d’autres villes du pays par les forces de l’ordre.
A Alger, investie par un dispositif sécuritaire sans précédent, la rue était déserte et les principales ruelles servant d’itinéraires aux manifestants ont été totalement coupées et occupées par les camions et véhicules de la police.
Tous les quartiers d’où partait habituellement une grande foule de manifestants après la prière de vendredi, ont été encerclés par les forces de l’ordre déployées en force pour empêcher les manifestants de démarrer leur marche en direction d’Alger-Centre. Une forte présence des policiers en civil a été également constatée, alors que la connexion internet a été fortement perturbée.
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), un observatoire local, a fait état de plusieurs arrestations de manifestants à Alger, ainsi que dans d’autres villes. Le parti Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD/opposition) a annoncé que son siège à Alger a été encerclé par les forces de l’ordre, qui ont empêché tout rassemblement de personnes à Alger Centre.
Tout comme vendredi dernier, les journalistes ont travaillé dans des conditions très difficiles. Ils ont été systématiquement empêchés de filmer et plusieurs d’entre eux ont été interpellés. Selon des sources médiatiques, les arrestations se comptent par dizaines à Alger. En fin de journée, des décomptes d’activistes ont fait état de 500 interpellations à travers plusieurs villes où il y a eu des tentatives de marcher comme Jijel, Khenchela, Tlemcen, Bordj Menaiel, Constantine, Oum El Bouaghi, Annaba, Skikda et Bouira.
Malgré un climat tendu, les marches de ce 118ème vendredi ont pu avoir lieu dans la ville de Tizi-Ouzou où une forte mobilisation a été constatée, selon les images diffusées sur les réseaux sociaux. Même ambiance à Béjaïa où des milliers de citoyens ont également marché et de nombreuses arrestations sont signalées.
A Bouira, l’autre grande ville de Kabylie, la marche du Hirak a été brutalement réprimée par les forces de l’ordre déployées en force au centre-ville, sous prétexte que la manifestation n’est pas autorisée. Des affrontements ont éclaté entre les manifestants et les forces de l’ordre, qui ont tiré des bombes lacrymogènes et utilisé les canons à eau. Les manifestants ont riposté avec des jets de pierres.
Il s’agit du deuxième vendredi consécutif que les autorités algériennes procèdent à l’interdiction des manifestations. Ces interdictions interviennent après la décision du ministère algérien de l’Intérieur qui a exigé que toute marche doive faire l’objet d’une déclaration préalable et déclarer son itinéraire et ses slogans à scander auprès des services compétents. Quelque 31 manifestants, arrêtés lors du 117è vendredi du Hirak ont été condamnés au cours de la semaine à des peines de prison ferme.
Selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), 23 manifestants à Sétif (nord-est) et huit à Bab El Oued, à Alger, ont été jugés et condamnés à des peines allant de 12 à 18 mois de prison ferme. D’après le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi, qui a dénoncé ces condamnations, “le pouvoir a décidé d’en finir avec le Hirak pacifique”.
Treize autres manifestants ont été incarcérés dans l’attente de leur procès qui a été remis à une date ultérieure, ce qui porte à 44 le nombre total de manifestants placés sous mandat de dépôt. Les tribunaux de plusieurs villes algériennes ont vu défiler cette semaine de nombreux manifestants arrêtés lors du 117è vendredi après l’empêchement musclé des manifestations du hirak populaire.
Selon des organisations de défense des droits humains, les interpellations opérées lors des marches réprimées du 117e vendredi ont touché plus de 1.000 personnes dans 25 wilayas, dont plus de 300 à Alger.
Il s’agit d’un record d’interpellations rarement égalé durant ces 20 dernières années, selon les mêmes sources, qui rappellent qu’il faut revenir jusqu’aux épisodes sinistres de la décennie noire des années 90 pour retrouver des chiffres ou des bilans aussi similaires en matière de répression sécuritaire. Le Hirak, ce mouvement de protestation de grande ampleur qui a chassé le président algérien Abdelaziz Bouteflika du pouvoir après 20 ans de règne sans partage, avait repris le 22 février dernier après près d’une année de suspension pour cause de la pandémie de Covid-19 qui sévit en Algérie et dans le monde entier.
Le7tv (avec MAP).