Ils sont partout dans les avenues, les rues, les marchés, les cafés, devant les mosquées…les mendiants ou les personnes, femmes ou hommes, tous âges confondus, qui demandent publiquement de l’argent, de la nourriture ou d’autres objets, ont fait de cette pratique sociale une profession génératrice de gains voire de grands revenus.
Afin d’obtenir l’aumône des philanthropes, attirer leur générosité et être pathétique, ces personnes utilisent plusieurs méthodes et moyens, notamment l’exploitation des bébés, des mineurs et des enfants à besoins spécifiques, comme moyen de percevoir des dons, piétinent ainsi leur dignité et violent leurs droits fondamentaux en les empêchant notamment d’intégrer l’école et de vivre leur enfance dans l’innocence.
Interviewée par la MAP, l’actrice associative Hind Laidi, fondatrice de l’association JOOD a affirmé que le seul moyen de mettre fin à l’exploitation des enfants et leur laisser une chance de rejoindre les bancs de classe est que la société refuse de donner de l’argent aux enfants mendiants et aux adultes qui exhibent ces enfants.
« Je suis une mère et je juge criminel de détruire l’avenir d’un enfant en l’exploitant dans la mendicité. Trouver des enfants errant dans les rues, sombrer dans la drogue dès leur jeune âge est à mon sens intolérable », a-t-elle regretté, soulignant que ces enfants ont des droits et les parents, la société civile et l’Etat doivent les préserver et leurs donner la possibilité de se construire dignement pour être des adultes productifs.
Dans ce cadre, l’association JOOD a lancé une campagne de communication globale et nationale entre 10 mars et 10 avril 2021, pour sensibiliser contre la mendicité des enfants et leur exploitation par des adultes, alerter contre l’ampleur de ce phénomène et ses conséquences sur les enfants et inciter les citoyens à ne plus contribuer à l’exploitation des enfants en leur donnant de l’argent.
Selon Mme Laidi, Jood, qui est un mouvement citoyen bénévole, souhaite donner à travers cette action sociale, organisée sous le slogan « Pour son bien…ne lui donne rien », la priorité à l’intérêt de l’enfant afin de lui permettre de grandir en Homme digne.
Répondant à une question sur les raisons derrière l’organisation de cette initiative, Mme Laidi a affirmé que Jood œuvre pour la dignité des sans-abris depuis sa création, mais le sans-abrisme est une conséquence de plusieurs sortes de problèmes dont l’exploitation des enfants pour la mendicité. « Nous avons voulu à travers l’organisation de cette campagne, attaquer l’une des raisons à la source pour freiner les conséquences », a-t-elle dit.
Les conséquences de l’exploitation des enfants dans la mendicité sont désastreuses, car initier un enfant à tendre la main détruit sa dignité, l’exploiter durant toute son enfance en l’empêchant d’aller à l’école c’est en faire un mendiant professionnel, un vagabond ou un criminel, a-t-elle expliqué.
Cette campagne de sensibilisation est marquée par la production d’un court métrage qui expose la réalité de la vie des enfants exploités, avec la participation des actrices Khadija Assad et Hind Saadidi, un clip et une chanson du chanteur Douzi qui seront dévoilés le 25 mars, en plus d’un message de sensibilisation diffusé en boucle sur les radios, une campagne digitale sur les réseaux sociaux ainsi que le support de la part de 38 influenceurs de renom à travers le hashtag #blastou_machi_fezenqa et #sa_place_est_en_classe, a précisé la responsable de l’association.
Pour sa part, le président de l’Association nationale pour la protection de l’enfance (ANPE), Azelarabe Lahlou, a mis l’accent, dans une déclaration à la MAP, sur l’impératif de la sensibilisation sur tout support médiatique pour inciter les citoyens à ne plus donner aux mendiants qui utilisent les enfants, soulignant qu’il faut orienter leurs dons vers des familles proches de leur environnement social. Pour cela, l’ANPE a engagé des dizaines de poursuites judiciaires contre ceux qui exploitent les enfants, a-t-il relevé.
« La situation des enfants exploités dans la mendicité est catastrophique, elle est génératrice des criminels et de futures mères célibataires », a-t-il déploré, notant que l’enfant exploité est devenu un être invisible, un paria et un individu qui n’appartient à aucune caste, considéré comme un être impur dont le contact est une souillure et rejeté par la société.
Près de 75 % des mendiants utilisent des enfants alors que 37 % des enfants utilisés dans la mendicité deviennent handicapés suite aux mauvais traitements des exploitants alors qu’ils sont nés en bonne santé, fait savoir M. Lahlou.
Afin de lutter contre ce phénomène, l’ANPE a mené des plans de sensibilisation nationale et n’a cessé de réclamer dans ses plaidoiries la création de quatre types de centres de protection et de placements des enfants selon les besoins, le sexe et l’âge de l’enfant, ainsi que la mise en place des unités de polices mobiles dédiées spécialement à la protection de l’enfance qui aura un rôle décisif par la force d’intervention dans la rue pour refroidir les ardeurs de ceux qui sévissent sur les enfants, a relevé l’acteur associatif.
Le ministère de la solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille et le ministère public avait mis en place, en coordination avec plusieurs départements ministériels, le plan d’action national pour la lutte contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité. Lancé d’abord à Rabat, Salé et Témara, ce plan vise à modéliser l’expérience avant de l’élargir dans une seconde phase pour inclure les villes de Tanger-Asilah, Meknès, Marrakech et Agadir, puis de le diffuser dans les différentes régions du Royaume.
Selon le bilan annuel de ce plan, 142 affaires relatives à l’exploitation des enfants dans la mendicité ont été traitées dans les villes de Rabat, Salé et Témara, répartis entre 79 filles et 63 garçons. De même, 66% des enfants ont entre 0 et 04 ans, dont 27% ont moins d’un an et 5% d’enfants de plus de 14 ans à Salé, indique un document de l’Entraide Nationale.
Ainsi, des décisions ont été prises selon les cas et varient entre la remise de l’enfant à son milieu familial, l’admission à un établissement de prise en charge sociale, la réintégration de l’enfant au sein de sa famille et son accompagnement pour qu’il bénéficie des programmes de soutien social disponibles, selon la même source.