Déjà en 2008, lors des Assises du Sport de Skhirat, le Maroc dressa un bilan alarmant. Incapable de produire de nouveaux champions, le secteur du sport souffre d’importantes lacunes qui touchent l’ensemble de sa chaîne de valeur. Outre le déficit de financement, de nombreux facteurs interdépendants expliquent le retard du Royaume dans le domaine sportif !…
Au-delà des performances des athlètes de haut niveau, une réalité : « seulement un marocain sur six pratique une activité sportive régulière » !…
Difficile de pointer du doigt un responsable face à ce constat. Ce sont les faiblesses de tout un système qui ont abouti à la situation actuelle : gouvernance défaillante, manque de professionnalisation des acteurs, désintérêt du secteur privé, nombre négligeable de licenciés, potentiels inexploités, sous médiatisation, disparités régionales en termes d’infrastructures !…
Lors des Assises du Sport, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a adressé aux participants une feuille de route identifiant les principaux dysfonctionnements ainsi que les axes de travail à mettre en œuvre. Suite au message royal, le Ministère de la Jeunesse et des Sports a lancé la Stratégie Nationale pour le Sport à l’horizon 2020 qui intègre cinq grandes orientations (bonne gouvernance, formation, infrastructures, partenariats et financement) !…
Au Maroc, la gestion du sport est déléguée aux fédérations, clubs et associations. La plupart des 45 fédérations sportives marocaines subsistent grâce aux subventions de l’État qui sont passées de 39,89 millions de dirhams en 2008 à 168,63 millions en 2013 par exemple !…
Le nombre de licenciés étant très faible (moins de 1 % des Marocains), les fédérations ne peuvent s’appuyer sur leurs cotisations: « Les subventions sont aujourd’hui calculées en fonction du nombre de pratiquants. Malheureusement, beaucoup de fédérations ne cherchent pas à développer les autres sources de financement qui leur assureraient l’autonomie voire la rentabilité financière » !…
Les fédérations ne tirent en effet que peu de recettes des rares évènements sportifs organisés, que ce soit au niveau de la billetterie ou des droits de retransmission. Hormis les sports plus populaires comme le football, l’athlétisme ou l’équitation, les sponsors sont peu enclins à investir, freinés par la faible visibilité médiatique et le manque de transparence quant à l’usage des fonds !…
Chaque fédération a en outre la responsabilité d’encadrer les clubs et ligues régionales auxquels elle redistribue une part des subventions. Pourtant, beaucoup de clubs choisissent de ne pas s’affilier à leur fédération, ce qui entrave la coordination des actions à l’échelle nationale !…
Hormis les rares sportifs d’exception, une médaille est avant tout l’aboutissement d’un long développement physique et mental de la part de chaque athlète. C’est là qu’intervient à l’échelle nationale tout le travail de détection et de formation des talents. Mais comment le Maroc peut-il mettre en place toutes les conditions pour révéler ses futurs champions et faire pencher les statistiques de son côté ?!…
Le temps des Saïd Aouita, Hicham El Guerrouj, Nawal El Moutawakel, et autres Youness El Aynaoui, Hicham Arazi … semble aujourd’hui bien loin. La difficulté actuelle du Maroc à s’imposer dans les compétitions internationales révèle surtout les failles du système de détection et de formation des jeunes sportifs et plus généralement le manque de professionnalisation de l’ensemble du secteur. Car pour avoir ne serait-ce que la chance d’accéder au podium, le Maroc doit encore mettre en place l’« usine » pour fabriquer les champions. C’est-à-dire créer un système qui permet de repérer méthodiquement les futurs athlètes dès le plus jeune âge et de les accompagner par un encadrement professionnel à chaque étape de leur carrière !…
Il est évident qu’un sportif pris en charge dès l’enfance a davantage de chance d’accroître ses capacités. D’où l’importance de développer les partenariats et de coordonner le travail de détection des talents entre les clubs, les fédérations, le Ministère de la Jeunesse et Sports et l’Éducation nationale. Or, bien qu’obligatoire, la pratique du sport à l’école primaire n’est pas encore généralisée notamment en raison du manque de moyens de certaines communes et le nombre insuffisant de professeurs d’EPS qualifiés.
Les activités sportives sont souvent peu prioritaires au regard des matières principales enseignées. « Le problème au Maroc, c’est que l’on considère le sport comme un loisir. Dans de nombreux pays comme les Etats Unis ou l’Allemagne, il n’est pas dissocié des études, alors qu’ici, c’est une fois que l’on a fini ses devoirs que l’on a le droit de faire du sport » et c’est là toute la différence !…
Abderrazzak Boussaid/Le7tv