À bâtons rompus ( khiwa mharssa)

 

Abderrazak chajdy. 61 ans developpeur de franchise, à SFI ( banque Mondiale ) pendant 12 ans. Ex. MRE en France, étudié à Sophia-Antipolis.

Bni kalakh avait rdv avec Bni fahem, au café qu’on appellera kahwat hiwar aâma, autour d’un nouss-nouss et une mharssa.

Dans un quartier moyen niché quelque part à Casablanca, où  ils ont leurs habitudes. Ils choisissent une table en terrasse sous la bâche bleue crasseuse près du trottoir pour ne rien rater du spectacle que leur propose le quotidien des casablancais. Ibn Lham le serveur, plateau à la main trainant des pieds comme il traine sa misère. Il leur apporta leurs cafés au gout de pois-chiches avec l’obligatoire verre d’eau.
Bni Fahem réclame à Ibn Lham, l’ordre du jour (Ahdat Maghribia et Al Massae) et bni kalakh lui ce connecte au wifi pour voire les dernières vidéos de chouf tv, hespress tv ou goud tv. Après la revue de presse, les deux compères se sont fait une idée sur leur discussion du jour en attendant les deux autres copains de Table, nommés ibn fatwa (qui lui dort encore, puisque il s’est réveillé aux aurores pour sa prière du Fajr) et Ibn taqaooud ( ابن تقاعد)(partis à 07 du matin faire la queue devant le bureau de poste, pour toucher sa retraite mérité pour bons et loyaux services par l’éducation nationale).
La table d’à côté se remplit elle aussi de copains de terrasse (il y’a le mécano, le fabricant de fenêtre en profilé, le chauffeur de taxi blanc, le chômeur de longue date et le coursier d’une société privée) ils ont entre les mains le programme de Longchamp et Vincennes, les experts hippiques parisiens et d’Anfa. L’un deux ayant gagné (500dhs) sur la course d’hier à Anfa est obligé de payer le ftour, il a ramené au (détriment des pains sans chocolat sur le comptoir du café) du msamen et harcha chez le vendeur d’à côté, il commande une grande théière (pour 5 personnes) à la menthe et chiba ainsi que (5 morceaux de sucre).
Maintenant que le décor est planté, ils vont pouvoir refaire le Maroc, tout va être passé au microscope des oulémas de tout et de rien, éclairés par la grâce et la baraka des sadates (sidi Belyout, sidi Abderrahman, sidi Ahmed Benyachou).
Ils décortiqueront l’actualité du jour ;
– La facture LYDEC, L’augmentation du prix du carburant, La bonne torturée, La femme accusée de tous les maux de la société, La lenteur de l’administration, Le prêche de la Joumouâa, La flambée des prix de fruits et légumes, L’hiver glacial, La circulation infernale, Les déboires d’Othmani avec Benkirane, Le Raja et Hasbane ,Les harragas, La délinquance, Les ferrachas, la venue du roi à casa, Les hôpitaux saturés , La fuite en avant de l’éducation nationale, L’indépendance de la justice, Le CHAN réussie, La candidature pour l’organisation de la coupe du monde, Le tramway, Les MRE et l’émigration, L’éternel ennemi sioniste, Le halal et haram, L’emploi, L’économie et finance, Les étrangers, L’Union Africaine , Le mal-être de la jeunesse , La consommation effrénée, Les banques, Les pays arabes, Le grand Satan , Les produits chinois, Les visas, Le sport , L’infrastructure , La sexualité, La famille, La politique, La transition, l’arrogance des riches, l’humilité des pauvres, l’authenticité et la modernité, la spoliation des terres, l’agriculture dans tous ses états, l’union Européenne, ONU, la culture, les traditions, l’hypocrisie des uns, les mensonges des autres, le terrorisme, le sécuritaire, notre voisin immédiat, le polisario , les compétences, les voitures, le crédit à la consommation, les grandes surfaces, le PIB, les HLM, le coût du panier de la ménagère, la politique des barrages, les aaroubias, les chleuhs, les fassis, les chamaliynes, les sahrawas, les rifains,

Tout sera discuté, pendant 3 heures, avec force de convictions, comme un conseil des ministres journalier, dans une ambiance de souk. Pendant ce temps, Ibn Lham aura parcouru des dizaines de kilomètres, pour réchauffer leurs fonds de verres et désespoir du cafetier. Entre-temps, le Maroc avance cahin-caha, non-pas pour rattraper son retard, mais pour être en phase avec son temps, et avec les moyens qu’il a et ceux qu’il n’a pas. Nous pouvons penser que le miracle marocain existe, si si il existe pour la simple raison que nous le vivons.

Rien n’est noir, rien n’est blanc, mais cherchons le gris en attendant le rose.