L’académicien français Gabriel De Broglie a retracé, jeudi soir à Rabat, les spécificités du passage du XXe au XXIe siècle, en mettant l’accent sur la révolution du numérique, l’ambivalence de la mondialisation, l’humanisme et le défi du matérialisme.
S’exprimant lors d’une conférence organisée par l’Académie du Royaume du Maroc dans le cadre du cycle de conférences “Académie française au Maroc”, en partenariat avec l’académie française, sous le thème “Le passage du XXe au XXIe siècle”, M. de Broglie, chancelier honoraire de l’Institut de France, s’est penché sur les mutations, les progressions et les risques ayant maqué les 20-ème et 21-ème siècles, ainsi que les soubassements historiques, politiques, culturels et sociaux, notant que ces évolutions découlent, notamment, de la révolution technologique et de la mondialisation, condition sine qua non pour relever les défis auxquels le monde doit faire face, aujourd’hui, tels que le réchauffement climatique, les épidémies et la pauvreté.
M. De Broglie, également membre de l’Académie française et de l’Académie des sciences morales et politiques, membre d’honneur de l’Académie roumaine et membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques d’Argentine, a également évoqué “la crise de la démocratie”, insistant sur un certain nombre de conditions pour que les démocraties s’épanouissent, en l’occurrence la formation civique et social, en vue de familiariser les jeunes avec la notion de l’intérêt général et des droits de l’Homme.
De même, il a abordé la question relative à “l’entretien de la planète”, qui est devenue une préoccupation assez récente du 21-ème siècle, notant que les catastrophes naturelles, en l’occurrence les inondations et la sécheresse, résultent de l’extension des centres industriels, des concentrations humaines et de la croissance des activités portant atteinte à la nature, telles que la déforestation et l’utilisation des pesticides.
Il a, en outre, mis l’accent sur la révolution numérique qui a changé le mode de vie des citoyens et toutes les activités humaines, relevant que cette technologie est appliquée au niveau des habitations, du transport, des administrations, des assurances et des banques.
Dans ce sillage, il a fait savoir que l’intelligence artificielle a pu connecter, non seulement les données à l’homme, mais les données entre elles, permettant de faire des échanges virtuels, des réservations d’hôtel et des recrutements au niveau des entreprises.
L’intelligence artificielle est susceptible de dépasser la volonté de l’homme, a noté le conférencier, faisant remarquer que “la singularité technologique” est l’hypothèse selon laquelle l’invention de l’intelligence artificielle déclencherait un emballement de la croissance technologique qui induirait des changements imprévisibles sur la société humaine.
Pour sa part, le secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri, a indiqué, dans une allocution lue en son nom, que la conférence d’aujourd’hui aborde la question qui interpelle les historiens et les chercheurs et les invitent à une réflexion profonde sur le 21-ème siècle, un siècle de transformation profonde, de la révolution numérique et technologique, d’un changement de l’ordre mondial avec une montée en puissance du néo-libéralisme, ainsi que sur son arrière-plan historique, le 20-ème siècle.
M. Lahjomri a, également, souligné que l’académicien français, De Broglie, a mis l’accent sur le passage du XXe au XXIe siècle, au niveau de l’Europe et a consacré un important ouvrage, publié en 2017 et intitulé “L’impardonnable XXe siècle”, soulignant que c’est une thématique cruciale pour penser ce passage pour l’Europe et la France, mais aussi d’autres régions du monde.
Le passage du XXe au XXIe siècle a été pour le Maroc une rupture singulière, avec un passage d’un pays profondément traditionnel et un autre en modernisation et en développement, tout en préservant l’essence de sa singularité, a-t-il expliqué, ajoutant que ce passage s’est fait avec un détour douloureux pour la mémoire, à savoir celui du protectorat.
Ce cycle de conférences initié avec le collège de France constitue un rendez-vous où s’opèrent le partage des idées et des réflexions, dans le cadre d’un débat réfléchi et un lieu de réflexion pour dynamiser le rôle de la pensée dans les sociétés, pour une meilleur compréhension du monde, qui est devenu de plus en plus complexe, a-t-il souligné.
Gabriel de Broglie est un historien et essayiste, lauréats de plusieurs prix. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence, parmi lesquels “Histoire politique de la revue des deux mondes” (1979), “L’Orléanisme : La ressource libérale de la France” (1981), “Madame de Genlis” (1985), “Le français pour qu’il vive” (1987) et “Guizot”(1990).
Cette conférence a été marquée par la présence de plusieurs personnalités, dont des membres de l’Académie du Royaume du Maroc, ainsi qu’une pléiade d’universitaires marocains et étrangers, historiens et étudiants doctorants.